Iain Duncan-Smith, ancien ministre du gouvernement Cameron, et partisan du « Brexit », a résumé assez justement la situation dimanche 26 juin sur la BBC :

« We never made any commitments. We just made a series of promises that were possibilities. » (« Nous ne nous sommes pas engagés. Nous avons seulement fait une série de promesses, qui étaient des possibilités. »)

Quatre jours seulement après le vote des Britanniques, les « Brexiters » sont déjà revenus sur deux promesses de la campagne : le financement du système de santé et la régulation de l’immigration.

  • Le financement du système de santé britannique

Des militantes pro-Brexit brandissent deux pancartes « Votez ’Leave’, #ReprenezLeContrôle » et « Sauvez notre NHS » lors d’un meeting à Manchester, en avril 2016. | OLI SCARFF / AFP

Ce que les partisans du « Leave » disaient pendant la campagne. C’était l’argument principal de la campagne « Vote Leave » : le Royaume-Uni envoie chaque semaine 350 millions de livres (450 millions d’euros) à Bruxelles, une somme qui, en cas de Brexit, pourra revenir au NHS, le système de santé dont les Britanniques sont si fiers.

Ce chiffre a été largement diffusé, sur les tracts, par e-mail et même sur les bus dans lesquels les « Brexiters » sillonnaient le pays. Il a pourtant été contesté rapidement, et il a été prouvé que le pays n’envoie en réalité que 136 millions de livres par semaine (164 millions d’euros).

Cette approximation a même provoqué la défection, deux semaines avant le vote, de Sarah Wollaston, députée à la tête de la commission santé de la Chambre des communes, qui a préféré rejoindre le camp du « Remain« , gênée par les « mensonges » sur le NHS de la campagne « Leave ».

Ce que les partisans du « Leave » disent maintenant. Le 24 juin, quelques heures après la divulgation des résultats, Nigel Farage, le leader du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP, populistes) était interviewé sur la chaîne ITV. Quand la journaliste lui a demandé s’il pouvait « garantir que les 350 millions de livres envoyées à l’UE iraient bien au NHS », l’homme a répondu : « Non, je ne le peux pas et je ne l’ai jamais prétendu. C’était une erreur faite par le camp du “Leave”. »

Iain Duncan-Smith a lui aussi affirmé, dimanche, qu’il « n’avait jamais dit cela » pendant la campagne. « Nous avons en vérité dit qu’une partie significative de cette somme irait au NHS », a-t-il rectifié, ajoutant que d’autres secteurs, comme l’agriculture, devraient bénéficier aussi de l’argent jadis envoyé à l’Europe.

Une photo de l’ancien ministre parlant, tout sourire, devant un bus de campagne est toutefois venue lui rappeler cette promesse déjà abandonnée.

  • La régulation de l’immigration

Ce que les partisans du « Leave » disaient pendant la campagne. Quand les chiffres officiels ont révélé, le 26 mai, que le nombre de migrants s’élevait, en 2015, à 333 000, les partisans d’une sortie du Royaume-Uni en ont fait un thème de campagne. Ils n’ont pas manqué de souligner qu’il s’agissait là d’un échec du premier ministre, David Cameron, qui avait promis, en 2010, de faire baisser ce chiffre sous la barre des 100 000.

La situation est « hors de contrôle », notait gravement Boris Johnson, estimant que « Bruxelles nous a pris notre contrôle de l’immigration ». C’est plus spécialement l’immigration intra-européenne qui était visée : grâce au marché unique et à la libre circulation dans l’UE, les arrivées se sont multipliées et sont perçues par certains comme une menace pour l’emploi et l’économie.

En février, M. Cameron a négocié un statut spécial pour le Royaume-Uni en Europe, qui inclut une limitation des aides sociales pour les migrants européens, mais cela n’a pas suffi à calmer les revendications des « Brexiters ».

Ces derniers ont milité pour une sélection des migrants, grâce à un système de points inspiré du modèle australien, signifiant de facto la fin de la libre circulation des personnes dans l’UE.

Le UKIP a aussi mis l’accent sur l’arrivée de migrants en provenance de pays en guerre comme la Syrie. Une semaine avant le vote, le parti avait dévoilé une affiche, montrant une colonne de réfugiés, barrée du slogan « Breaking Point » (« point de rupture »). Le document avait été jugé xénophobe et nauséabond, y compris par des partisans d’un Brexit.

Nigel Farage, le learder du UKIP, devant une de ses affiches de campagne. | STEFAN WERMUTH / REUTERS

Ce que les partisans du « Leave » disent maintenant. Selon Boris Johnson, qui a publié, lundi, une tribune dans le Telegraph, les électeurs qui ont choisi le bulletin « Leave » « n’étaient pas principalement motivés par leur crainte de l’immigration ». L’affirmation est étonnante, alors que la campagne a donné une très large part à ce thème.

L’ex-maire de Londres a cependant continué à plaider pour un maintien dans le marché unique assorti d’un contrôle de l’immigration. Une éventualité que la chancelière Angela Merkel a repoussé net, mardi : « Celui qui sort de la famille ne peut pas s’attendre à ce que tous ses devoirs disparaissent et que ses privilèges soient maintenus. »

L’ancien maire de Londres et leader de la campagne pour une sortie du Royaume-Uni de l’Europe, Boris Johnson, le 27 juin. | NEIL HALL / REUTERS

Dès vendredi 24 juin, l’eurodéputé conservateur Daniel Hannan, avait, lui, insisté sur la nécessité de maintenir l’accès au marché unique, ce qui suppose « la libre circulation de la main-d’œuvre ».

Autrement dit, la promesse sur le contrôle de l’immigration a vécu. « Franchement, a résumé M. Hannan, si les gens qui nous regardent pensent qu’il y aura désormais une immigration zéro en provenance de l’UE, ils vont être déçus. »

La perspective d’une volte-face sur le sujet est assez sérieuse pour que Nigel Farage s’en émeuve. Les déclarations de M. Hannan « m’ont mis mal à l’aise », a commenté, mardi, M. Farage, pour qui « l’idée qu’une Grande-Bretagne post-Brexit conserverait des frontières ouvertes, même simplement pour des travailleurs, est totalement inacceptable ».