Des militaires israéliens lors d’une opération dans le camp de réfugiés palestiniens Al-Amari, près de Ramallah, le 15 février 2016. | Nasser Shiyoukhi / AP

L’armée israélienne a décidé de mettre un terme à une procédure extrêmement controversée : le protocole Hannibal. Celui-ci prévoit l’utilisation de moyens militaires quasiment illimités pour empêcher l’enlèvement, au cours d’une opération, d’un ou plusieurs soldats par l’ennemi. Quitte à sacrifier la vie de ces soldats. Cette décision, prise il y a plusieurs semaines par le chef d’état-major, Gadi Eizenkot, devance la publication d’un rapport imminent du contrôleur d’Etat, qui est censé plaider en ce sens, selon la presse israélienne. « Cette décision a été prise après l’examen des précédents, dans le cadre d’une zone de combat asymétrique moderne, explique au Monde un responsable militaire. Le protocole posait des questions professionnelles, opérationnelles et éthiques. »

Le protocole Hannibal, conçu il y a plus de trente ans, a été révisé après l’enlèvement du soldat Gilad Shalit en 2006. Celui-ci provoqua un traumatisme national et poussa le gouvernement à procéder à un échange contre la libération de plus de mille prisonniers palestiniens. Longtemps couvert par le secret militaire, ce protocole a été largement commenté et décrié après son utilisation, le 1er août 2014, au cours de l’opération « Bordure protectrice », dans la bande de Gaza.

Un cessez-le-feu venait d’entrer en vigueur, mais les soldats cherchaient des tunnels du Hamas, près de Rafah, au sud du territoire. Après la capture du lieutenant Hadar Goldin par les combattants du Hamas, son unité a ouvert le feu de façon indiscriminée, tuant plus d’une centaine de Palestiniens, tandis que l’aviation israélienne pilonnait cette zone densément peuplée. Des hôpitaux et des ambulances ont été visés. On ne sait si le soldat était vivant ou déjà mort au moment de sa capture. Ce jour fut surnommé « vendredi noir ».

« Tout est permis »

Dans un rapport publié un an plus tard, fin juillet 2015, Amnesty International a dénoncé de « sérieuses violations du droit humanitaire international » pouvant relever de crimes de guerre, commis dans « un climat pervers d’impunité qui existe depuis des décennies ». Un lieutenant d’infanterie, qui a figuré parmi les dizaines de témoins interrogés par l’organisation non gouvernementale Rompre le silence pour son rapport sur « Bordure protectrice » publié au printemps 2015, résumait ainsi cette procédure : « Hannibal, c’est genre : tout est permis. »

Dans l’esprit des experts militaires ou civils travaillant sur les règles d’engagement, le protocole Hannibal n’a pas été assez bien compris par les soldats et leur encadrement. Trop souvent, son interprétation se serait réduite à l’idée qu’il fallait tuer l’un des siens s’il risquait d’être enlevé. La dernière fois que la procédure a été activée fut le 29 février, lorsque deux soldats pénétrèrent dans le camp de réfugiés palestinien de Kalandia, aux abords de Jérusalem. Ils avaient suivi les orientations d’une application sur leur smartphone, Waze. Sans nouvelles d’eux pendant une demi-heure, l’état-major avait déclenché la procédure Hannibal.