Après relecture attentive de la tribune « L’Université, institution stratégique de la formation continue des professionnels de santé » signée par de nombreux présidents d’université il nous paraît nécessaire, au syndicat des médecins libéraux et moi-même, de faire la lumière sur le positionnement des signataires de ladite tribune, qui se sont décidés à affirmer leur volonté de régir la formation professionnelle tout en faisant preuve d’une méconnaissance des contraintes de la formation médicale continue. En particulier celles relatives au développement professionnel continu.

Examinons dans un premier temps les propositions des universités signataires. Deux systèmes prévalent en matière de formation dans le système éducatif français : la formation initiale, et la formation continue. L’Université est en charge de la formation initiale pour l’enseignement supérieur. La formation continue, comme dans la plupart des pays de l’OCDE, est du ressort d’organismes professionnels. En ce qui concerne les médecins, ce sont les médecins libéraux en exercice qui gèrent cette formation continue - appelé développement professionnel continu (DPC), et ce depuis 30 ans. Ce système permet de garantir la meilleure qualité des soins possibles. La formation des professionnels est depuis 2012 assurée par le Fond d’assurance formation de la profession médicale (FAFPM).

Les conséquences de la « directive Bolkenstein »

La création de l’Organisme du développement professionnel continu (OGDPC), suite à la directive européenne du 12 décembre 2006 (« directive Bolkenstein ») a fait entrer de nombreux acteurs extérieurs à la profession sur le marché de la formation médicale continue. Cette mesure n’est pas adaptée à nos besoins, et reste une erreur fondamentale qui tend à neutraliser les organismes de formation professionnelle arborant un bilan particulièrement positif et répondant aux exigences des professionnels de santé. La réforme de l’OGDPC, comme envisagée dans l’article 114 de la loi de santé, entraînera dans un futur proche la création de l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) pour assurer le pilotage du dispositif DPC. Mis en place par plusieurs décrets, ce groupement d’intérêt sera divisé en instances décisionnaires interdépendantes (Haut Conseil du DPC, Comité d’éthique, Comité de liaison du DPC des salariés, Commissions scientifiques indépendantes, Conseil de gestion et Sections professionnelles).

En raison de l’importance absolue qu’ils revêtent, les postes de président de chacune de ces instances font l’objet de la plus grande convoitise parmi les universitaires cosignataires. Leur tribune prend ainsi un tout autre sens : il faut comprendre qu’ils ambitionnent de faire main basse, en opportunistes, sur l’ensemble du système DPC en poursuivant quatre objectifs. Premièrement, intégrer l’ensemble des responsabilités de l’AN DPC. Ensuite, transformer la formation professionnelle en formation universitaire, s’approprier les financements du développement professionnel continu des libéraux en sortant de ses murs pour enfin devenir à terme l’organisme référent pour l’éventuelle accréditation (dont aucun syndicat ne veut) de la profession.

Deux choix s’offrent à nous. Rester naïfs, ou refuser de nous voir imposer la vision archaïque du système éducatif estampillé « administration française » qui, dans son goût prononcé pour le monopole, délite peu à peu l’activité libérale. Le SML propose que chaque institution se concentre sur sa mission, tout en augmentant les complémentarités nécessaires à la qualité et au bon développement de la formation de nos médecins et autres professionnels de santé de terrain. Le DPC des Libéraux doit tout simplement rester à la main des experts Libéraux.

Éric Henry, est docteur et président du syndicat des médecins libéraux (SML)