Le proverbe dit que charbonnier est maître chez soi. Mais l’expression populaire ne s’applique visiblement pas à l’Etat américain. Un juge fédéral du Wyoming a en effet invalidé, mercredi 22 juin, la série de mesures édictées il y a un peu plus d’un an par l’administration Obama pour réguler la fracturation hydraulique sur les terrains publics. Cette technique de forage notamment utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste, fait l’objet de vives critiques de la part des organisations de protection de l’environnement.

Le juge considère que « le Congrès n’a pas délégué au département de l’intérieur [l’administration qui gère les ressources naturelles] l’autorité pour réguler la fracturation hydraulique », ajoutant que l’initiative du Bureau of Land Management (BLM), l’agence en chargée des terrains appartenant à l’Etat, s’apparente à « un abus d’autorité » et est « contraire à la loi ».

La fracturation hydraulique, qui consiste à fissurer la roche en injectant à très forte pression de l’eau, du sable et des produits chimiques pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux Etats-Unis. « Il y a beaucoup de crainte et d’inquiétude de la part du public, particulièrement à propos de la sécurité de l’eau souterraine et de l’impact de ces opérations », avait affirmé Sally Jewell, la secrétaire à l’intérieur, en mars 2015, lorsque les mesures avaient été annoncées. Le BLM avait reçu auparavant plus de un million et demi de contributions de la part de particuliers et d’associations favorables à ces nouvelles règles.

Protection des secrets industriels

Celles-ci consistent à obliger les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et à tester systématiquement la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques. Il est également demandé aux sociétés de fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés. Il est aussi question de sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol. Enfin, les compagnies pétrolières étaient censées publier dans un délai de 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction.

Une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels. Ainsi, en 2015, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.

La remise en cause de ces mesures a été accueillie favorablement par le lobby pétrolier, qui avait porté plainte, bien que leur coût pour les compagnies reste relativement modeste. Le gouvernement l’avait évalué à 32 millions de dollars (29,5 millions d’euros) par an, soit à peine 1 % du coût d’exploitation moyen d’un puits. « La décision démontre que les Etats sont – et l’ont été pendant plus de 60 ans – les mieux placés pour réguler de façon sécurisée la fracturation hydraulique », estime Neal Kirby, un responsable de l’Independent Petroleum Association of America.

Nouveau revers pour Obama

De son côté, Cynthia Lummis, la représentante républicaine du Wyoming, qui avait également porté plainte aux côtés de l’Utah et du Colorado, estime que c’est une victoire pour les droits des Etats fédérés : « Ces mesures sapaient la régulation prudente et efficace que les Etats ont mis en place à propos de la fracturation hydraulique, comme c’est le cas au Wyoming. » Les mesures étaient censées concerner 11 % du gaz et 5 % du pétrole consommés aux Etats-Unis. L’immense majorité de l’extraction est effectuée en effet sur des espaces privés ou appartenant aux Etats fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles.

Si le gouvernement peut encore faire appel de cette décision, il s’agit d’un nouveau revers pour Barack Obama, qui a tenté de prendre plusieurs initiatives en faveur de l’environnement, mais qui ont été remises en cause par les tribunaux. C’est notamment le cas d’une décision de l’Environmental Protection Agency qui veut mettre sous la protection fédérale plus de plans d’eau et de zones humides. Une initiative bloquée par une cour d’appel fédérale en octobre 2015. Par ailleurs, en février 2016, la Cour suprême a mis son veto temporaire à la limitation des émissions de CO2 générées par les centrales thermiques.