Le compositeur Charles Chaynes est mort, vendredi 24 juin, à l’âge de 90 ans chez lui, à Saint-Mandé (Val-de-Marne). Exact contemporain de Pierre Boulez (1925-2016), le maître à penser de l’avant-garde postsérielle, il fut loin d’œuvrer dans la même direction mais joua, comme lui, un rôle non négligeable dans la vie musicale française par les hautes fonctions qu’il occupa pendant vingt-cinq ans à la Radio nationale. Musicien lettré, Charles Chaynes laisse un abondant catalogue (85 œuvres symphoniques selon le décompte de la Sacem) dont les principaux jalons sont déterminés par l’inspiration poétique et théâtrale.

Né le 11 juillet 1925 à Toulouse, Charles Chaynes grandit dans une famille de musiciens. Son père, Iréné, et sa mère, Valentine (née Péchamat), enseignent tous deux au Conservatoire de la « Ville rose ». L’un, le violon, l’autre, le piano et l’orgue. Formé au violon par son père, Charles est très vite en mesure d’interpréter les principales sonates du répertoire français (Franck, Lekeu, Debussy, Ravel) avec accompagnement de sa mère au piano. A 15 ans, il ajoute même une pièce de son cru à son programme d’amateur éclairé.

Plus compositeur que concertiste

Il est bientôt temps d’envisager des perspectives professionnelles avec l’entrée au Conservatoire de Paris, en octobre 1943, dans la classe d’harmonie de Jean Gallon. Admis au même moment dans la classe de violon de Gabriel Bouillon, il demande un congé d’un an pour privilégier le travail de l’écriture, preuve qu’il se sent plus compositeur que concertiste. Les faits lui donnent raison, tout au moins ceux notés à la plume dans le registre des élèves du Conservatoire : premier prix d’harmonie en 1946 mais seulement premier accessit de violon puis, l’année suivante, premier prix de fugue (dans la classe de Noël Gallon, après une seule année d’étude !)…

En novembre 1947, Charles Chaynes démissionne de la classe de violon et, en janvier 1948, intègre celle de composition dirigée par Darius Milhaud. Six mois plus tard, il décroche un second prix et se lance dans la conquête du prix de Rome. L’obtention du précieux « visa » pour la Villa Médicis n’intervient qu’à la quatrième tentative, en 1951, et Charles Chaynes profite des bienfaits de la « Ville éternelle » de 1952 à 1955.

Spécificité de l’outil radiophonique

Un an seulement après son retour d’Italie, il fait ses débuts de producteur à la Radiodiffusion nationale. Commence alors la véritable formation du compositeur. Comme Henri Dutilleux (1916-2013), qui passa vingt ans dans les studios d’enregistrement à superviser la musique de ses pairs, Charles Chaynes ne tarde pas à percevoir la spécificité de l’outil radiophonique et la nécessité pour les compositeurs d’en tenir compte dans la conception de leurs œuvres. « Car on peut, on doit concevoir une musique écrite spécialement pour la radio ou le disque », assure-t-il, en 1969, avant de citer un exemple personnel. « Ainsi, dans mes Quatre poèmes de Sappho, certains éléments ont été pensés en vue du micro, notamment des phrases murmurées par le soliste de diverses manières, autant d’effets irréalisables en concert ! »

Passionnément engagé au service de la radio, Charles Chaynes dirige l’antenne de France Musique, de 1965 à 1975, puis le service de la création musicale à Radio France, de 1975 à 1990, fonction qui lui vaut de passer de nombreuses commandes, notamment celle d’un concerto pour violon à Henri Dutilleux. Encore le violon. Si la voix (dont celle de Mady Mesplé pour les Quatre poèmes de Sappho de 1968, pour soprano et trio à cordes) trace un sillon durable dans le catalogue de Charles Chaynes, notamment par ses importantes partitions scéniques (d’Erzsebet, créé à l’Opéra de Paris en 1983, à Mi amor, créé à Metz en 2007), les pages pour instruments (en musique de chambre ou avec orchestre) permettent d’apprécier encore mieux le langage (atonal) du compositeur avant tout soucieux d’expression.

Son Concerto du temps retrouvé (1958), pour violon, bien sûr, annonçait la couleur, vive, contrastée, avec des accents de Béla Bartok et d’Alban Berg. Ses Visages Mycéniens (1983) confirment un goût de la plasticité dans la descendance d’Edgar Varèse. Parmi les nombreuses marques de reconnaissance témoignées à Charles Chaynes tout au long de sa vie, son élection, en 2005, à l’Académie des beaux-arts, fut des plus significatives. Sous la Coupole, le fauteuil VIII de la section V (Composition musicale) est désormais vacant.

Charles Chaynes en quelques dates

Juillet 1925
Naissance à Toulouse.

1965
Directeur de France Musique.

1968
Quatre poèmes de Sappho.

1975
Chef du service de la création musicale à Radio France.

2007
Mi amor.

Juin 2016
Mort à Saint-Mandé.