Des étudiants à l’Université York à Toronto, en 2009. | Mark Blinch / Reuters

Plus de 10 000 étudiants français ont choisi cette année d’effectuer leurs études au Québec, bien que cette province du Canada ait augmenté ses frais d’inscription les concernant. En septembre 2015, ils sont passés d’environ 1 600 euros – le tarif préférentiel réservé aux étudiants québécois – à 4 100 euros, soit le tarif pratiqué pour les étudiants du reste du Canada. Les étrangers, eux, payent le triple.

« Nous avons enregistré cette année un fléchissement de dix pour cent des étudiants français en licence, en partie compensé par une augmentation des inscriptions en deuxième cycle », constate Guy Breton, recteur de l’Université de Montréal. Il veille sur le sort de 67 400 étudiants, en comptant ceux des deux écoles affiliées, HEC Montréal et Polytechnique, situées sur le même vaste campus verdoyant du Mont-Royal. Quatorze pour cent des étudiants sont étrangers, parmi lesquels figurent 3 800 Français. La Chine est le deuxième pays de provenance, avant les autres pays de la francophonie européenne et africaine.

Le tout jeune Paulin Grosse, 16 ans, rejoindra les rangs de l’Université de Montréal en septembre : il vient d’être admis en première année de sciences économiques avant même d’avoir eu les résultats de son bac S à Lyon. « J’ai opté pour une licence, ticket pour tenter ensuite l’admission dans une école de commerce par une voie parallèle », dit-il. Mais pourquoi le Québec ? « Une camarade de mon lycée a été enthousiasmée par le programme de l’Université de Montréal, dont elle a rencontré les représentants dans un salon d’orientation cette année. Elle m’a convaincu et nous partons ensemble ».

L’Université de Montréal, l’un des deux établissements francophones de la métropole avec l’Université du Québec à Montréal (UQUAM), a plusieurs atouts. « Elle a une longue tradition d’excellence, elle est celle qui a la plus vaste gamme de cursus au Canada, et la deuxième en matière de recherche », énumère Guy Breton. Un nouveau complexe est en construction, qui regroupera les disciplines scientifiques mais aussi des acteurs industriels et des institutions, dont une antenne du CNRS français sur les nouveaux matériaux.

A HEC Montréal, apprendre à s’impliquer

Sans lien organique avec son aînée HEC française, HEC Montréal, qui compte plus de 1 500 Français inscrits cette année, admet des bacheliers ES et S avec mention bien, parfois assez bien, dans une année préparatoire avant le bachelor. Il s’agit d’une remise à niveau en mathématiques et en langues pour ceux qui ont choisi un programme bilingue en anglais ou trilingue, avec l’espagnol en plus. « L’aspect méthodologique est aussi important, ajoute la responsable, Karine Deshayes. Alors qu’ils sont habitués à viser la note, les étudiants français doivent apprendre à s’impliquer dans et en dehors des cours, à travailler en petits groupes multiculturels, à gérer les désaccords ou les conflits, et le stress ». Un quart d’entre eux échouent à l’issue de cette année de transition.

Simon Rivera et Sarah Tijani, étudiants français d’HEC Montréal. | Martine Jacot / Le Monde

Originaire de Pau, Simon Rivera, 19 ans, l’a réussie. En s’expatriant, il voulait « tester son autonomie et éviter une classe prépa ». Dans l’édifice hypermoderne, tout en vitres, de HEC Montréal, il affiche un sourire rayonnant : « Ici, la pédagogie inversée est beaucoup plus efficace pour apprendre. On est très soutenu et les opportunités d’entreprendre au sein des comités de l’école sont nombreuses : ça stimule ». En première année de bachelor, sa compatriote Sarah Tijani, venue de Narbonne, se félicite de côtoyer une centaine de nationalités différentes sur le campus. Elle va poursuivre son cursus au Mexique pendant six mois. « 45 % de nos étudiants en bachelor passent au moins un trimestre à l’étranger, dans l’un de nos 120 établissements partenaires », indique le directeur de l’établissement, Michel Patry. Son objectif est de passer « de 8 500 à 10 000 étudiants équivalents temps plein ». « La population francophone au Québec n’est pas en croissance et donc, nous cherchons à attirer davantage d’étudiants francophones et aussi asiatiques », ajoute-t-il.

Devant « l’explosion des besoins », son établissement a accentué la composante « big data » de nombreux cursus et procède au réaménagement de toutes les salles de cours pour les adapter au numérique, grâce à des fonds gouvernementaux. Côté recherches, HEC Montréal héberge un étonnant laboratoire baptisé Tech 3, où une quinzaine de personnes, parmi lesquelles le Français David Brieugne, analysent les réactions humaines devant un écran (de smartphone, d’ordinateur ou de cinéma), au niveau des yeux, du rythme cardiaque, du cerveau et de la sudation des mains. Elles testent ainsi, pour des entreprises, des applications ou des publicités.

Des cours d’histoire à bicyclette

Autre originalité de cette école de commerce, l’un des cours, « histoire des affaires », se déroule sur le terrain et… à bicyclette. Les professeurs Anne Pezet et Brian King ont inauguré l’expérience l’an passé et la renouvellent cet été pendant douze jours, avec une quinzaine d’étudiants. Ils se rendront alors en vélo dans plusieurs installations industrielles ou touristiques de différentes régions du Québec, à raison d’une cinquantaine de kilomètres par jour. « De quoi souder un groupe », commente la jeune Française Clémence Modoux qui a vécu la première de ces aventures.

Pour attirer davantage de francophones de tous les pays, l’Université d’Ottawa - 43 000 étudiants dont 12 % d’étrangers – a décidé de baisser leurs frais de scolarité à 4 800 euros, de manière à ce qu’ils ne soient guère plus élevés que ceux demandés à un Français au Québec. Seule condition demandée par cet établissement de la capitale du Canada , que les étudiants choisissent au moins trois cours enseignés en français (neuf crédits) par session. « En 2014, année où nous avons appliqué cette mesure, le nombre de demandes d’admission d’étudiants africains a triplé et celui des Européens francophones a un peu augmenté », constate Gary Slater, vice-recteur, dont l’« objectif est de porter de 30 à 40 % notre pourcentage d’étudiants francophones, canadiens ou étrangers ».

Bilinguisme intégral à Ottawa

Khadija Moulahid, étudiante à l’Université d’Ottawa. | Martine Jacot / Le Monde

Dans cette université bilingue où les trois-quarts des professeurs le sont aussi, les étudiants peuvent commencer leurs études en français s’ils ne sont pas sûrs de leur anglais puis accroître le nombre de cours dans la langue de Shakespeare. C’est ce qu’a fait Khadija Moulahid, qui a eu son bac S (mention très bien) au lycée français de Rabat (Maroc). Actuellement en quatrième année de génie civil, elle peut rendre ses devoirs dans l’une ou l’autre langue. « J’ai choisi Ottawa pour cette raison et parce que son université a l’un des programmes de bourses parmi les plus généreux du Canada, offre de nombreuses possibilités de jobs et d’études en alternance », ajoute l’étudiante, elle-même payée 14 dollars canadiens de l’heure (10 euros) pour faire visiter le campus.

Service de soutien aux devoirs, centre d’aide à la rédaction des travaux, centre de développement des carrières, résidences universitaires sur place, clinique, cantine et bibliothèque ouverte presque 24 heures sur 24 : la vie étudiante est bien facilitée sur ce campus situé au centre-ville.

Un tout nouveau bâtiment devrait ouvrir ses portes à la rentrée prochaine. Il sera doté, dans plusieurs salles de classes d’équipements spécialement conçus pour l’enseignement hybride (présentiel et cours en ligne), et en petits groupes.