Elles sont en première ligne. Comme lors du choc des subprimes (crédits immobiliers à risques), en 2008, les grandes banques centrales sont à la manœuvre pour calmer les marchés. Et prêtes à intervenir si, dans les heures et les jours à venir, la tempête financière soulevée par la victoire du « Brexit », lors du référendum du jeudi 23 juin, ne se calme pas.

« La Banque d’Angleterre prendra toutes les mesures nécessaires pour répondre à ses responsabilités en matière de stabilité monétaire et financière », a déclaré l’institution, dès vendredi 24 juin au matin, dans un communiqué. « La Banque du Japon se tient prête à injecter des liquidités, en concertation avec les autres banques centrales », a, de son côté, annoncé Haruhiko Kuroda, le gouverneur de la Banque du Japon (BoJ).

A court terme, la mission la plus urgente des instituts monétaires est de s’assurer que les banques ne se retrouvent pas à court de liquidités. Un blocage prolongé en la matière pourrait en effet, par ricochet, tarir les financements accordés aux entreprises et aux ménages. Et donc pénaliser la croissance. Pour préparer le terrain, la Banque d’Angleterre (BoE) a massivement offert des liquidités aux banques britanniques, les mardis 14 et 21 juin, afin que celles-ci disposent d’un matelas de sécurité. Une opération qu’elle va probablement répéter.

La Banque centrale européenne (BCE) est, elle aussi, sur le qui-vive. Mario Draghi, son président, a déclaré, mardi, qu’il se tenait « prêt » à faire face à « tous les imprévus » qui suivront le référendum britannique. Depuis plusieurs jours, elle surveille comme le lait sur le feu le niveau de liquidités dans le système interbancaire européen. Hasard du calendrier : mercredi 22 juin, elle a lancé un nouveau prêt géant aux banques, le TLTRO. Si cela ne suffit pas, elle tient à leur disposition son guichet de refinancement illimité, comme elle l’avait fait en 2008. Autrement dit : les filets de sécurité sont en place. « Les banques centrales sont mieux armées qu’il y a huit ans, elles ont retenu les leçons de la crise », estime Christophe Boucher, économiste à Paris-X-Nanterre.

Cela suffira-t-il ? Les prochaines heures le diront. S’il le faut, les grands banquiers centraux, réunis à Bâle (Suisse), samedi 25 juin, au siège de la Banque des règlements internationaux, puis à Sintra (Portugal), du lundi 27 au mercredi 29 juin, à l’occasion d’un forum sur les politiques monétaires, coordonneront leur action. Comme ils l’avaient fait en 2011, afin de soutenir le yen, à la suite du tsunami qui avait frappé l’Archipel.

Cette fois, ils pourraient réactiver les « accords de swap » instaurés pendant la crise de 2008, comme M. Kuroda l’a laissé entendre le 24 au matin. Ces accords permettent aux grandes banques centrales, dont la BCE, la BoE, la BoJ et la Réserve fédérale (Fed), de se prêter des devises entre elles. Si, du fait des incertitudes, les banques américaines refusaient soudain de prêter des dollars aux banques britanniques, la BoE pourrait ainsi emprunter des billets verts à la Fed, afin de leur fournir elle-même.

« Augmenter le volume de ses rachats de dettes publiques »

« Dans la foulée, la Banque d’Angleterre pourrait également baisser son taux directeur, aujourd’hui à 0,5 %, pour soutenir l’économie britannique », ajoute Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet. Interviendra-t-elle aussi sur le marché des devises pour contrer la chute de la livre sterling ? Possible. Selon les analystes, il est néanmoins plus probable qu’elle attende quelques jours, afin de voir à quel niveau elle se stabilise.

Dans le cas où, comme au pire de la crise des dettes de 2012, les taux souverains des pays du Sud flambaient de nouveau, la BCE est, là aussi, parée. « Elle pourrait augmenter le volume de ses rachats de dettes publiques, aujourd’hui de 80 milliards d’euros mensuels », explique Philippe Gudin, économiste en chef chez Barclays. Voire déclencher son second programme de rachat de dettes, l’OMT, jusque-là resté théorique. Différent du « quantative easing » dans ses modalités, il serait un pare-feu efficace pour protéger le Portugal ou l’Italie des spéculateurs.

Outre-Atlantique, la Fed, elle aussi, se tient prête. Inquiets du processus de sortie du Royaume-Uni et du futur de la zone euro, les investisseurs ont commencé à se ruer sur le dollar, considéré comme une valeur refuge. Au risque, si cela dure, de pénaliser les exportateurs américains. « Dans le pire des cas, cela pourrait convaincre la Fed de retarder encore la remontée progressive de ses taux directeurs », analyse M. Ducrozet.

Si, à court terme, les banques centrales disposent de l’arsenal nécessaire pour éteindre l’incendie sur les marchés, la partie sera en revanche très différente, une fois le choc initial passé. « La menace n’est pas économique et financière, comme en 2008, mais politique, avec le risque de dislocation de l’Union européenne, prévient M. Gudin. Contre cela, les instituts monétaires ne disposent d’aucune arme. La balle est dans le camp des gouvernements. »