Les députés s’attaquent lundi 27 juin au dernier grand train législatif du quinquennat avec l’examen en séance du projet de loi égalité et citoyenneté. Adopté le 16 juin en commission, le texte se veut la traduction de propos tenus il y a dix-huit mois par le premier ministre Manuel Valls, qui avait évoqué un « apartheid territorial, social et ethnique » en France quelques jours après les attentats de janvier 2015. Ce projet de loi est aussi la dernière occasion pour les parlementaires socialistes d’envoyer un signal marqué à gauche et de rassembler toute la majorité pour clore une législature minée par les divisions et l’amertume. Le projet de loi comporte trois grands volets.

  • « Citoyenneté et émancipation des jeunes »

Ce volet prévoit la création pérenne de la réserve citoyenne, rebaptisée « réserve civique » : celle-ci regroupera les dispositifs existant dans la défense, la police, l’éducation nationale… à destination des citoyens souhaitant s’engager « ponctuellement » au service de l’intérêt général.

Pour atteindre l’objectif fixé par François Hollande de la moitié d’une classe d’âge en service civique en 2018, soit près de 350 000 jeunes par an, davantage de places seront offertes. Le service civique pourra par exemple être fait auprès des sapeurs-pompiers. Les sociétés HLM, sociétés publiques locales et entreprises détenues à 100 % par l’Etat pourront y recourir. Et les réfugiés pourront y accéder, dans une « première marche vers l’insertion ».

Le texte propose aussi de créer un « congé d’engagement » annuel, fractionnable, de six jours pour les salariés ou fonctionnaires, responsables associatifs. En commission, les députés ont renforcé ce droit, en rendant possible sa rémunération par l’entreprise, au terme d’un accord. Par ailleurs, le texte prévoit la reconnaissance de l’engagement des étudiants, avec une validation obligatoire, dans les cursus du supérieur, des compétences et connaissances acquises dans une activité bénévole.

  • « Mixité sociale et égalité des chances »

Avec cet intitulé, c’est avant tout l’habitat qui est concerné, puisqu’il s’agit de renforcer notamment la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU, décembre 2000). Ce sujet devrait faire l’objet d’âpres débats et être affiné en séance. Plusieurs maires ont d’ores et déjà exprimé leur opposition à l’article 20 du projet, qui crée un devoir de solidarité pour l’accueil, dans le parc social, des familles les plus modestes.

Le texte institue en l’occurrence un quota, hors quartiers prioritaires de la ville (QPV), de 25 % de logements sociaux à réserver aux familles aux revenus les plus faibles. Dans le même esprit, le fameux article 55 de la loi SRU du 13 décembre 2000 obligeait les communes urbaines à se doter d’ici à 2025 d’un parc social d’au moins 25 % du nombre de leurs résidences principales.

  • « Egalité réelle »

Cette partie du projet de loi comprend des sanctions accrues pour les actes de racisme et de discrimination. Y figurent également des dispositions pour la diversification des voies d’accès à la fonction publique et davantage de démocratie participative avec des droits nouveaux pour les conseils citoyens. L’accent est mis aussi sur l’apprentissage de la langue française.

D’autres mesures se sont agrégées en cours d’examen, comme celle portée par l’ex-ministre et élu de Guadeloupe Victorin Lurel (Parti socialiste), qui a fait voter l’élargissement des sanctions prévues en cas de propos négationnistes (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende) aux propos niant ou faisant l’apologie de la traite négrière et de l’esclavage.

Maud Olivier, élue socialiste de l’Essonne et membre de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée, a fait adopter un amendement hissant le sexisme au même rang que le racisme et l’homophobie en le considérant comme une circonstance aggravante en cas de crime ou délit.

  • Autres mesures

Diverses mesures ont été ajoutées en commission spéciale à l’Assemblée.

Bizutage. Les députés ont inscrit dans le texte une nouvelle infraction en cas de discrimination des victimes de bizutage. Ce nouvel article dit : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de bizutage (…) ou témoigné de tels faits. »

Ecoles. Porté par le radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, député du Val-de-Marne, un amendement entérine le droit à la restauration scolaire pour tous les enfants, sans « aucune discrimination selon leur situation », en particulier quand les parents sont chômeurs. Cette disposition avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi bloquée au Sénat.

Par ailleurs, un amendement prévoit d’instituer des contrôles renforcés sur l’instruction à domicile et les écoles privées hors contrat : ces dernières seront soumises à un régime d’autorisation et non plus de déclaration.

Accès à certains secteurs d’activité. Avec ce projet de loi, il ne sera plus nécessaire d’être européen pour ouvrir un café, un cabaret ou un débit de boissons ou d’être français pour être membre du comité de rédaction d’une édition de publications destinées à la jeunesse.

« Gens du voyage ». Une proposition de loi portée par le socialiste Dominique Raimbourg, député de Loire-Atlantique, et qui avait été bloquée au Sénat, est réapparue sous forme d’amendement adopté en commission. Il s’agit de supprimer le livret de circulation et de renforcer les pouvoirs des préfets pour la construction d’aires d’accueil.

Permis de conduire. Le socialiste Jean-Patrick Gille, député d’Indre-et-Loire, a fait adopter, contre l’avis du gouvernement, une mesure visant à décharger, notamment les jeunes, du coût du permis de conduire (en moyenne 1 500 euros) : avec son amendement, il sera possible d’utiliser les heures de son compte personnel de formation pour passer son permis de conduire.