La campagne en faveur du vote pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne à Londres. | LEON NEAL / AFP

« Should they stay or should they go ? », auraient pu chanter les Clash… Quelles seront les conséquences d’un Brexit (contraction de « Britain » et « Exit ») pour les étudiants français, européens et britanniques qui veulent étudier à l’étranger ? C’est l’une des nombreuses questions qui demeurent en suspens, en ce jour de référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne (UE), jeudi 24 juin.

Hausse des frais de scolarité

Selon Florence Faucher, professeur de sciences politiques à Sciences Po et responsable d’un double master « Affaires européennes » en partenariat avec la London School of Economics, « il y aura des conséquences pour les étudiants, même si pour l’instant toute projection n’est que politique fiction ».

Selon elle, c’est d’abord la question des tuitions fees des universités britanniques (les frais de scolarité, qui peuvent atteindre jusqu’à 9 000 livres par an, soit environ 11 700 euros) qui se poserait, en cas de Brexit, pour les étudiants français et européens. « Il y a des barèmes qui varient selon qu’on est membre ou pas de l’UE. Si le Brexit triomphe, les étudiants européens pourraient être traités comme les étudiants internationaux, c’est-à-dire payer des droits d’inscriptions nettement plus élevés », explique la chercheuse. « Alors qu’en moyenne, une année d’études au Royaume-Uni coûte 15 000 euros pour un étudiant britannique, elle ne revient qu’à 8 000 euros en moyenne pour les étudiants français », complète Jacques Comby, président de la commission internationale de la conférence de présidents d’universités (CPU) et président de Lyon-III.

La présence des étudiants européens sur le sol britannique soulève également d’importants enjeux économiques. « Nous avons la conviction que quitter l’UE s’avérerait extrêmement problématique », déclare au quotidien The Telegraph Alistair Jarvin, vice-président des universités du Royaume-Uni (UK Universities).

Incertaines renégociations

En 2012-2013, 5,5 % des étudiants au Royaume-Uni étaient issus des pays de l’Union européenne, générant un revenu de 3,7 milliards de livres pour l’économie du pays et assurant la pérennité de 34 000 emplois, selon le quotidien britannique.

D’autres questions se poseront en cas de vote favorable à la sortie de l’UE, comme celle de la pérennité des financements européens accordés aux universités britanniques à travers les programmes de recherche comme H2020 (Horizon 2020). « Il y aura, comme pour les traités commerciaux, un temps de renégociations des accords. L’université et la recherche seront concernées par ces nouveaux accords », précise Florence Faucher.

Le Royaume-Uni pourrait alors s’inspirer des modèles suisses et norvégiens, deux pays en dehors de l’UE mais qui ont de nombreux accords et conventions avec l’Europe. Jean-Pierre Finance, délégué permanent pour la CPU à Bruxelles, ex-président de l’université Nancy-I, rappelle que « la Suisse est toujours en train de négocier un accord avec l’UE sur les financements de la recherche et sur Erasmus, après sa votation contre l’immigration de masse ». Bruxelles avait en effet remis en cause les accords bilatéraux à l’issue du référendum de février 2014, quand les Suisses s’étaient prononcés en faveur de la limitation de la libre circulation des personnes.

La fin de la génération Erasmus ?

La mobilité des étudiants britanniques pourrait également être altérée par le Brexit, notamment celle qui s’effectue via le programme Erasmus. « Depuis trois ans, le nombre d’étudiants britanniques suivant le programme Erasmus a augmenté de 50 %, explique Nigel Carrington, vice-président de l’Université des arts de Londres, au Guardian. Sans Erasmus, nous connaîtrons des difficultés majeures pour envoyer nos étudiants à l’étranger. » Quelque 30 000 étudiants britanniques bénéficient chaque année de cet accord d’échanges, créé en 1987, selon le British Council. Selon l’agence Erasmus +, les étudiants britanniques étaient 38 666 en 2013 à s’engager dans une mobilité internationale.

De plus, les étudiants du Royaume-Uni souhaitant étudier à l’étranger en situation de mobilité individuelle risqueraient d’être pénalisés s’ils perdaient leur statut de ressortissant de l’UE. La Britannique Catherine Bennett, qui a étudié de 2014 à 2016 à l’école de journalisme de Sciences Po, explique qu’« au Royaume-Uni, les frais d’inscriptions universitaires sont si élevés que je n’aurais jamais pu poursuivre mes études en master. En arrivant en France, j’ai été reconnue boursière par le Crous et j’ai pu terminer mes études. »

Son diplôme de Sciences Po en poche, la jeune femme, qui effectue à Londres son stage de fin d’études craint que le résultat du référendum n’influe sur son avenir : « Si le Brexit est avéré, j’ai peur qu’il soit beaucoup plus compliqué de travailler en France. Et puis, je n’ai pas envie d’être considérée comme une étrangère en Europe, je me sens vraiment européenne », confie la jeune fille.