La série noire continue pour EDF. Et chaque nouvel épisode renforce les inquiétudes. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a annoncé, dans une note publiée jeudi 23 juin en début d’après-midi, que « certains générateurs de vapeur de réacteurs d’EDF pourraient présenter une anomalie similaire à celle de la cuve de l’EPR de Flamanville ». Concrètement, ont été décelées des zones de concentration importantes en carbone, « pouvant conduire à des propriétés mécaniques plus faibles qu’attendues ». Pas moins de dix-huit réacteurs sont concernés, sur les cinquante-huit du parc électronucléaire français. A la différence de l’EPR normand encore en chantier, ceux-ci sont en activité.

En avril 2015, l’ASN avait révélé que l’acier des calottes (couvercle et fond) de la cuve de l’EPR en construction à Flamanville (Manche) était fragilisé par une teneur excessive en carbone, dans certaines zones. Cela réduit la résistance de cette pièce cruciale, où s’opère la fission des atomes et qui doit donc être à toute épreuve. Cette anomalie avait été qualifiée de « très sérieuse » par le président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet. Des tests sont toujours en cours et il est possible qu’EDF soit finalement obligé de remplacer ces calottes.

A la suite de la découverte de ces défauts, l’autorité de contrôle a demandé à EDF de mener des audits sur d’autres pièces susceptibles de présenter, elles aussi, une concentration trop élevée en carbone. Il s’avère que c’est le cas pour le fond de certains générateurs de vapeur. Ces composants sont, comme la cuve, essentiels pour la sûreté et doivent donc être d’une résistance sans faille. Un générateur de vapeur est en effet un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire, qui se transforme en vapeur à son contact et alimente la turbine.

Les générateurs de vapeur potentiellement défectueux équipent, indique l’ASN, dix-huit réacteurs de neuf centrales : le Blayais (réacteur 1), Bugey (4), Chinon (B1 et B2), Civaux (1 et 2), Dampierre (2,3 et 4), Fessenheim (1), Gravelines (2 et 4), Saint-Laurent-des-Eaux (B1 et B2) et le Tricastin (1,2,3 et 4).

EDF assure que « les analyses menées depuis septembre 2015 montrent qu’il existe des marges importantes [dans la résistance de l’acier] qui garantissent le fonctionnement des réacteurs en exploitation en toute sûreté ». Selon elle, les anomalies ne nécessitent donc l’arrêt d’aucune tranche nucléaire.

Mais l’ASN juge que « les premiers éléments de justification apportés, sur la base desquels EDF a maintenu les équipements concernés en service, doivent être confortés ». Elle a donc demandé à EDF de conduire « des investigations complémentaires ». « A ce stade, il existe une suspicion [sur la fiabilité des fonds des générateurs de vapeur], indique Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASN. Elle ne justifie pas pour l’instant l’arrêt de réacteurs. Toutefois, en fonction des résultats des contrôles à venir, nous pourrons être amenés à réviser cette position. »

Ce n’est pas tout. L’autorité de sûreté précise que d’autres composants forgés de la cuve, du pressuriseur et des générateurs de vapeur des dix-huit réacteurs incriminés sont « susceptibles d’être concernés également par cette anomalie ».