Perquisition de la police judiciaire à Tarnac (Corrèze), en novembre 2008. | THIERRY ZOCCOLAN / AFP

Les rebondissements médiatiques et les vicissitudes procédurales de l’affaire de Tarnac le disent assez : ce dossier pose une question fondamentale, celle de la définition du terrorisme en droit français. Au terme de sept ans d’enquête, ni le parquet de Paris ni le magistrat instructeur en charge du dossier n’ont pu s’entendre sur une définition commune.

Le 6 juin, le ministère public avait requis que les trois principaux suspects des sabotages de plusieurs lignes de TGV en 2008 soient jugés avec la circonstance aggravante d’« entreprise terroriste ». Vendredi 7 août, la juge d’instruction Jeanne Duyé a rayé d’un trait de plume l’infraction terroriste de son ordonnance de renvoi. Dans un énième rebondissement, lundi 10 août, le parquet de Paris a fait appel de cette décision, portant l’affaire devant la chambre de l’instruction.

« C’est une question de principe : qu’est-ce qu’on met derrière l’infraction terroriste ? », explique une source judiciaire pour justifier l’appel. « Ça risque d’aller en Cour de cassation, d’un côté comme de l’autre, pronostique Marie Dosé, une des avocates de la défense. Le parquet semble s’enferrer dans une logique jusqu’au-boutiste, et nous irons aussi en cassation si la chambre de l’instruction infirme l’ordonnance. Peut-être qu’enfin découlera de tout ça une définition claire et précise du terrorisme. »

« Aucun danger pour les utilisateurs des trains visés »

De ce point de vue, les motivations de la juge ont pu paraître décevantes. Dans son ordonnance de 95 pages, elle ne consacre que quatre petits paragraphes à la question. La magistrate écrit que ces sabotages, s’ils ont occasionné un « désagrément aux usagers » et « désorganisé » le réseau SNCF, n’ont à aucun moment « intimidé ou terrorisé tout ou partie de la population », au sens de l’article 421-1 du code pénal qui définit l’infraction terroriste.

Elle souligne également que si la pose de fers à béton sur les caténaires de cinq lignes TGV avait occasionné de nombreux retards, ils ne pouvaient entraîner « aucun danger pour les utilisateurs des trains visés ». Une précision étrange puisque l’article 421-1 du code pénal prévoit justement « les destructions, dégradations et détériorations » dans le champ très large de sa définition.

C’est bien toute la question qui devra être tranchée par la chambre de l’instruction : ou s’arrête le sabotage, ou commence le terrorisme ; et où situer la frontière entre activisme politique et intimidation ? À la lecture des écrits de Julien Coupat, le principal mis en cause, la juge d’instruction a rendu son avis : le groupe de Tarnac entendait « faire naître l’insurrection afin non pas d’intimider et terroriser la population mais dans l’espoir au contraire de la rallier à ses vues ».