L’usine de traitement d’eau de Flint, le 23 janvier. | REBECCA COOK / REUTERS

Le groupe français Veolia est poursuivi par la justice américaine dans le cadre du scandale de l’empoisonnement de l’eau de la ville de Flint, dans le Michigan. Le procureur général de l’Etat a annoncé la décision, mercredi 22 juin, accusant l’entreprise de négligence et d’avoir exacerbé une situation déjà critique. Un concurrent américain de Veolia, Lockwood, Andrews & Newnam (LAN) fait lui aussi l’objet de poursuites au civil.

« A Flint, on a fait appel à Veolia et LAN pour faire un travail et ils ont lamentablement échoué », a affirmé le procureur, Bill Schuette, lors d’une conférence de presse, qui a parlé de « travail bâclé ». « Ils n’ont pas empêché l’empoisonnement de l’eau, ils ont même aggravé la situation », a-t-il ajouté.

Lire le reportage : A Flint, du plomb dans les têtes

Le scandale remonte à 2014. A la suite de graves problèmes financiers, Flint avait été placée sous tutelle par le gouverneur républicain du Michigan, Rick Snyder. A la recherche d’économies à tout prix, l’équipe chargée d’administrer la ville avait décidé de ne plus acheter l’eau potable à Detroit, situé à quelques kilomètres, mais de la puiser directement dans la rivière locale. Très vite, les habitants ont commencé à se plaindre de la couleur et du goût de l’eau, tandis que certains souffraient de vomissements et d’éruptions cutanées. Après dix-huit mois de mobilisation, les citoyens sont parvenus à faire éclater la vérité : extrêmement corrosive, l’eau de la Flint River a rongé le réseau d’approvisionnement, libérant du plomb et exposant ainsi les enfants et les femmes enceintes au saturnisme.

La ville avait fait appel à Veolia en 2015. Selon la justice, le groupe français n’a pas réussi à détecter l’apparition des problèmes de corrosion des canalisations. Le procureur reproche même à Veolia d’avoir décidé de rajouter un chlorure, qui n’aurait fait qu’aggraver le problème.

« Des allégations injustifiées » pour le groupe français

Le groupe s’est défendu vigoureusement, mercredi, contre « des allégations injustifiées ». Veolia souligne qu’un groupe de travail missionné par M. Snyder a pointé de façon claire la responsabilité de l’Etat dans cette crise et qu’il n’a même pas mentionné l’entreprise ou lui a adressé des reproches. « Le procureur général n’a pas discuté avec Veolia de son implication à Flint, n’a pas questionné les experts du groupe ou posé des questions sur notre contrat ponctuel d’un mois à Flint », insiste l’entreprise française, ajoutant que « l’implication de Veolia avec la ville n’avait aucun rapport avec les problèmes de plomb actuels ». Le groupe affirme qu’il n’avait pas été mandaté pour tester la teneur en plomb et que ce travail a été confié à une autre société.

Même défense du côté du groupe LAN, qui estime que la justice a « mal interprété » le rôle joué par la société. La décision de ne pas contrôler le niveau de corrosion incombe à la municipalité et aux autorités de l’Etat, insiste LAN, qui affirme même que la société avait poussé l’administration à réaliser ces tests, en vain. Les services de la qualité de l’eau du Michigan avaient en effet soutenu qu’il n’y avait besoin d’ajouter un anticorrosif qu’après une année de tests.

Parallèlement à ces poursuites contre les deux sociétés, deux responsables des services de l’environnement de l’Etat du Michigan font déjà l’objet de poursuites criminelles. Le procureur a promis que d’autres allaient suivre. Depuis le mois d’octobre, Flint est à nouveau connectée au réseau de distribution d’eau de Detroit, tandis que le Michigan a débloqué 240 millions de dollars (211 millions d’euros) pour tenter de résoudre les conséquences du scandale. Selon la plainte, les dommages réclamés par la justice, qui pourraient dans le cas de Veolia et LAN s’élever à plusieurs centaines de millions de dollars, devraient être utilisés pour remplacer les kilomètres de canalisations endommagées.