Film, sur OCS City, à 22 h 30

Le réalisateur finlandais nous convie à une célébration bouleversante et drôle du 7eart (vendredi 24 juin, à 22 h 30, sur OCS City).

Un homme farfouille derrière un juke-box et reparaît, quelques pièces détachées à la main. Il dit : « Tout ça, c’était en trop. Là, ça devrait marcher. » Il pousse une touche, on entend une voix, une guitare, enregistrées il y a longtemps dans le Mississippi. Blind Lemon Jefferson chante That Crawlin’Baby Blues. Ce rite purificateur mystérieux qui fait que la musique peut à nouveau jaillir, Aki Kaurismäki l’a accompli au cinéma pour réaliser L’Homme sans passé, film ­réparé et réparateur, qui atteint et répand la pureté.

Il commence pourtant par une flambée de violence : le soir de son arrivée par le train à Helsinki, un homme s’endort sur le banc d’un jardin public. Trois jeunes gens le frappent dans son sommeil, le dévalisent et le laissent ensanglanté, le visage recouvert du masque de soudeur qu’ils ont trouvé dans sa valise, une vraie image de terreur. Au plan suivant, on revient à la gare, où la foule s’écarte devant la caméra qui avance. L’homme s’est réveillé et titube avant de s’effondrer dans les toilettes, où un employé le tient pour mort. Puis, on le voit à l’hôpital, le visage enveloppé de bandelettes.

Des références précises

On est un peu désolé d’émousser l’impact de cette brève et saisissante introduction en la racontant, mais il le faut bien pour ­expliquer les circonstances du miracle qui va suivre. On a donc vu cet homme passer par des épreuves que le cinéma contemporain nous a rendues familières, la violence gratuite, l’exposition de la souffrance et de la dégradation physique au regard du monde. Mais sa résurrection mystérieuse est le signe du passage d’un monde à l’autre.

Au matin, l’homme se réveille au bord de l’eau. Comme dans une très vieille histoire, il est recueilli dans la cabane d’un pauvre pêcheur où il recouvre la santé, mais pas la mémoire. Cet endroit, nous explique le scénario, est un village de conteneurs métalliques transformés en bicoques, où survivent les pauvres du port d’Helsinki. Mais les images qui bougent sur l’écran montrent autre chose : l’amnésique est arrivé au pays du cinéma. Les couleurs éclatantes, la lumière sur l’eau, la beauté conférée aux visages les plus ordinaires, tout nous dit qu’on vivra, pour le reste du film, dans l’utopie du cinéma.

L’Homme sans passé est gorgé justement du passé de cet art qui en irrigue chaque image. On peut retrouver des références précises, à des films, à des metteurs en scène. Aki Kaurismäki est un homme d’une grande culture. Ce n’est pourtant pas à un jeu de mémoire qu’on est convié, mais à une célébration destinée à redonner toute leur force aux enchantements du cinéma, qui se déploient à chaque séquence.

L’Homme sans passé, d’Aki Kaurismäki. Avec Markku Peltola, Kati Outinen, Juhani Niemelä (Fin. - All. - Fr., 2002, 97 min). Vendredi 24 juin, à 22 h 30, sur OCS City.