A l’aéroport Atatürk d’Istanbul, théâtre d’une attaque terroriste, le 28 juin. | OZAN KOSE / AFP

La Turquie a de nouveau été le théâtre d’une attaque terroriste, mardi 28 juin. Selon un bilan provisoire, 28 personnes ont été tuées et au moins 60 blessées dans plusieurs explosions et échanges de tirs survenus dans l’un des terminaux de l’aéroport international Atatürk d’Istanbul.

Depuis près d’un an, le pays est plongé dans un climat de violence. Les attentats se sont multipliés depuis juin 2015. Ces derniers sont liés à deux menaces distinctes : celle qui découle de la reprise du conflit avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), autonomiste et en guerre contre Ankara depuis 1984, et celle représentée par l’organisation Etat islamique (EI), qui dispose d’une implantation clandestine importante sur un territoire turc longtemps utilisé comme voie de transit vers l’espace syro-irakien et comme base arrière.

Attaques attribuées à l’EI, non revendiquées

Le PKK à travers les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), une de ses émanations, frappe généralement des cibles policières et militaires dans les grandes villes de l’ouest de la Turquie sans se soucier d’éventuelles victimes civiles, comme ce fut le cas à Ankara en mars. Ces actions sont justifiées par le mouvement kurde comme la revanche de l’Est contre l’Ouest, en référence aux villes détruites au cours de l’année écoulée par les combats de rue qui y ont opposé les forces armées turques et la guérilla kurde ; cette dernière, de son côté, frappe régulièrement des cibles étatiques dans le Sud-Est. Les attaques des TAK à Ankara et à Istanbul ont été revendiquées.

Ce n’est pas le cas des attaques attribuées par les officiels trucs à l’EI, organisation connue pour faire la publicité de ses actes. L’attaque de l’aéroport d’Istanbul, par son ampleur, sa cible et son mode opératoire, se distingue des attaques précédemment attribuées à l’EI en Turquie. Il révèle une organisation d’un degré supérieur, plutôt similaire à celle des derniers attentats revendiqués par le groupe djihadiste en Europe.

Redéfinition de l’approche diplomatique turque

Depuis le mois de mai, la Turquie est en pleine phase de redéfinition de son approche diplomatique. Les effets accélérés de son repositionnement se sont fait sentir de manière spectaculaire ces derniers jours : normalisation des relations avec Israël, gestes de conciliation vis-à-vis de la Russie avec notamment des excuses pour la destruction du MIG russe de novembre 2015, approche plus modérée vis-à-vis du président égyptien Sissi, évocation d’un éventuel changement d’approche en Syrie. En somme, Ankara semble renoncer à se poser en champion du monde sunnite par un retour à la realpolitik. L’opposition turque reproche au président Erdogan d’avoir mis la Turquie en danger du fait de sa politique syrienne.

L’attentat survenu mardi intervient dans une Turquie divisée, où le climat de violence lié aux attentats est doublé d’une dérive autoritaire qui se manifeste par une multiplication des entraves à la liberté de la presse, une montée en puissance du discours conservateur et des menaces qui pèsent sur l’indépendance de la justice au moment où M. Erdogan et l’AKP œuvrent à un changement constitutionnel, qui consacrerait la présidentialisation du régime politique turc.

Les attentats survenus en Turquie depuis le début de l’année :

- le 12 janvier : à Istanbul, 11 morts (attribué par les autorités à l’EI)

- le 17 février : à Ankara, 28 morts (revendiqué par les Kurdes du TAK)

- le 3 mars : fusillade sans victime (revendiquée par le groupe d’extrême gauche radicale DHKP-C)

- le 13 mars : à Ankara, 35 morts (revendiqué par les Kurdes du TAK)

- le 19 mars : à Istanbul, 4 morts (attribué à l’EI)

- le 7 juin : contre la police d’Istanbul, 11 morts, (TAK Kurdes)