Opération patte blanche pour Google. Alors que les critiques montent à l’encontre de YouTube sur le fait que le service de vidéo, filiale à 100 % du géant américain, ne rémunère pas suffisamment les créateurs, voire tout simplement les pille, la firme de Mountain View contre-attaque. Elle rend public, mercredi 13 juillet, la deuxième édition de son rapport annuel contre le piratage. Et s’il y a un chiffre que l’entreprise la plus puissante du Web entend faire passer, c’est le suivant : YouTube a permis de générer près de 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros) de revenus pour les ayants droit tous secteurs confondus depuis 2007, grâce à son système de gestion des droits d’auteur Content ID. Dont 1 milliard depuis 2014.

Le deuxième objectif de Google est de donner des gages de bonne volonté à Bruxelles. A la mi-septembre, le vice-président de la Commission européenne chargé du marché numérique unique, Andrus Ansip, est censé présenter les grands axes de réforme du droit d’auteur en Europe et faire des propositions pour que tout le monde participe au financement de la création. Y compris les plates-formes.

Pétitions d’artistes

Or, aujourd’hui, avec le développement du streaming musical sans frontière, l’écart se creuse entre les plates-formes dites « vertueuses » (Apple Music, Spotify, Deezer, etc.), qui identifient les contenus musicaux écoutés et permettent leur rémunération, et YouTube, qui développe du partage de contenus très peu monétisés. C’est en tout cas l’avis partagé par les majors du disque, les artistes et les ayants droit.

Ainsi, pour 2015, la Fédération internationale de l’industrie phonographique a fait ses calculs : d’un côté, 68 millions d’abonnés à un service payant de streaming ont rapporté 2 milliards de dollars, de l’autre, les 900 millions d’utilisateurs de YouTube en ont généré 634 millions.

L’écart se creuse entre les plates-formes dites « vertueuses » (Apple Music, Spotify, Deezer, etc.) et YouTube

Dans un entretien accordé en novembre 2015 au quotidien italien La Repubblica, le leader du groupe de rock Radiohead, Thom Yorke, n’y est pas allé par quatre chemins, en comparant les pratiques de YouTube et de Google aux méthodes de pillage employées dans l’art par les nazis lors de la seconde guerre mondiale…

Fin juin, des pétitions d’artistes ont fleuri aux Etats-Unis et en Europe pour demander « un développement équitable de la musique en ligne ». CeAdressée à la Commission européenne, la pétition a recueilli plus de 1 200 signatures de ce côté de l’Atlantique et plaide pour que la question du transfert de la valeur en faveur des créateurs soit enfin prise en compte dans le cadre de la réforme européenne du droit d’auteur.

Aucune transparence

Robert Kyncl, l’actuel patron et artisan du succès de YouTube, ne peut pas ignorer les raisons de la grogne des artistes car le problème est en passe de devenir politique. D’où la tentative de séduction opérée avec ce rapport.

Sur YouTube, les artistes ne disposent pas de visibilité suffisante en ce qui concerne les droits et la disponibilité des contenus protégés

Malgré les efforts faits par Google pour promouvoir son dispositif Content ID, ce dernier reste très décrié. Aux yeux des créateurs, il n’est ni efficace ni transparent. Sur YouTube, les artistes ne disposent pas de visibilité suffisante en ce qui concerne les droits et la disponibilité des contenus protégés, essentiellement de la musique.

« YouTube refuse toujours de s’expliquer sur son modèle économique », observe Suzanne Combo, porte-parole de la Guilde des artistes de la musique. « Tout est mal identifié et mal monétisé sur YouTube », renchérit David El Sayegh, secrétaire général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Or, comme le montre l’absence de vidéos à caractère pornographique ou raciste sur YouTube, ce n’est pas la capacité de filtrage de YouTube qui est en cause, mais bien ses choix économiques.