Alexis Tsipras, au Conseil de l’Europe à Strasbourg, le 22 juin. | JEAN-MARC LOOS / REUTERS

Si le Brexit fait parler de lui cet été, c’est le Grexit qui a occupé la une de l’actualité l’été dernier, déjà à la suite d’un référendum. Le lundi 13 juillet 2015, après trois semaines d’incertitudes et de réunions « de la dernière chance » qui tenaient l’Union européenne en haleine, les ministres des finances de la zone euro se mettaient enfin d’accord sur un troisième plan d’aide à la Grèce, en contrepartie d’importantes réformes.

Soulagé, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne déclarait alors que « le “Grexit” [avait] disparu », écartant définitivement la possibilité d’une sortie de la Grèce de la zone euro, qui avait semblé être sérieusement posée à la table des négociations les jours précédents.

Le nœud de cette énième crise grecque s’était noué quelques mois plus tôt, à la faveur de l’arrivée de la gauche radicale au pouvoir. Après une campagne menée vent debout contre la politique d’austérité imposée par la troïka – Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international –, Alexis Tsipras était élu premier ministre fin janvier 2015. S’ensuivent des mois d’âpres discussions avec les créanciers, auxquels le nouveau chef du gouvernement grec tient tête, largement soutenu par un peuple lassé de subir réforme sur réforme sans pour autant constater d’amélioration. Pour Athènes, il s’agit une fois de plus de s’accorder sur le rééchelonnement de la dette grecque et le déblocage de la dernière tranche du plan de sauvetage qui doit lui permettre de rembourser ses échéances.

Le coup de poker d’Alexis Tsipras

Cinq mois plus tard, l’hypothèse d’un départ forcé de l’union économique et monétaire, agitée par Bruxelles comme un épouvantail, se fait plus concrète alors qu’arrive l’échéance cruciale du 30 juin, date à laquelle la Grèce doit rembourser le FMI sous peine de se retrouver en défaut de paiement. Or Alexis Tsipras joue la montre et enchaîne les réunions avec les ministres des finances de la zone euro, refusant toujours de céder.

Le 26 juin, à la surprise générale, il annonce – en pleine nuit – la tenue neuf jours plus tard d’un référendum sur le plan proposé par les créanciers et appelle ses concitoyens à se prononcer contre. Le lendemain, il demande une prolongation de l’assistance financière, immédiatement rejetée par l’Eurogroupe. Afin d’éviter une fuite massive des capitaux, le premier ministre ordonne alors la fermeture des banques jusqu’au 7 juillet.

Un nouveau bras de fer, cette fois sur le référendum, s’engage. Jean-Claude Juncker fait pression sur Tsipras et l’enjoint à appeler à voter « oui ». Après quelques heures de réflexion, nouveau coup d’éclat du premier ministre grec : il appelle à un « non » massif, qui permettrait selon lui à son gouvernement d’être en position de force pour négocier.

Les tractations, auxquelles se mêle le président François Hollande, continuent et laissent espérer un accord de dernière minute et l’annulation du référendum… Jusqu’à ce qu’Angela Merkel siffle la fin des tergiversations le 1er juillet, exigeant d’attendre l’issue du vote. Sonné et dos au mur, le gouvernement grec tente le tout pour le tout en relançant la campagne pour le non, espérant affermir sa légitimité en obtenant un score important.

Douche froide

Pari gagné le 5 juillet. Les Grecs disent « non » à 61,31 % à la proposition de réformes formulée par les créanciers du pays. Quatre jours plus tard, les dirigeants grecs doivent remettre leurs nouvelles propositions de réformes. C’est la douche froide pour le peuple grec : Athènes s’engage à adopter la plupart des mesures qui avaient été proposées par les créanciers le 26 juin… et qui avaient alors été repoussées par l’annonce du référendum.

Tsipras avoue qu’il ne « croit pas » à ces mesures, mais que les seules alternatives étaient un défaut chaotique du pays ou une exclusion temporaire de la zone euro, imaginée par l’Allemagne. Un accord est donc trouvé le 13 juillet, suivi, une semaine plus tard, du vote par le parlement grec d’un neuvième plan d’austérité, ouvrant la voie à un nouveau plan d’aide. Le coup de poker de Tsipras se solde donc par un double échec : non seulement il a dû céder aux créanciers, mais il a de surcroît perdu la confiance de son électorat, qui l’avait porté au pouvoir justement pour sa promesse d’en finir avec la rigueur imposée par la troïka. Vivement critiqué, il doit faire face à la colère du peuple grec qui multiplie les manifestations anti-austérité.

A peine un mois plus tard, le 11 août, l’accord sur un troisième plan de sauvetage, d’environ 85 milliards d’euros sur trois ans, est entériné et permet officiellement à Athènes de rester dans la zone euro. Mais, ébranlé par la trahison de sa promesse électorale, Alexis Tsipras démissionne le 20 août et appelle à des élections législatives anticipées. Moins d’un mois après, il est réélu premier ministre et forme un nouveau gouvernement avec les Grecs indépendants. Sa légitimité redorée, Tsipras arrache finalement un accord global sur la dette grecque le 25 mai, éloignant une fois de plus le spectre du Grexit. Jusqu’à quand ?