David Davis, le nouveau ministre chargé de la sortie de l’Union européenne, à Londres, le 14 juillet 2016. | NIKLAS HALLE'N / AFP

« Le Brexit, c’est le Brexit. » A ceux qui pourraient douter de la détermination de la nouvelle première ministre britannique, Theresa May, à mener la vie dure aux Européens pendant les négociations de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), sa décision de nommer David Davis à la tête d’un nouveau ministère spécialement chargé du Brexit apporte un démenti cinglant.

Franc-tireur du parti conservateur, M. Davis, 67 ans, député depuis 1987, est l’un des plus vieux europhobe chez les tories. Ministre chargé de l’Europe dans le gouvernement de John Major entre 1994 et 1997, on le surnommait « Monsieur Non », et il adorait ça. Pendant la campagne du référendum, cette année, cet électron libre avait choisi de faire campagne non pas dans « Vote Leave », l’entité officielle prônant une sortie de l’UE, dirigée par Boris Johnson, mais dans le collectif Grassroots Out, au côté du leader d’extrême droite Nigel Farage.

Réorienter la politique économique grâce au Brexit

Ultralibéral en économie et en même temps défenseur farouche des libertés publiques, le nouveau « ministre chargé de la sortie de l’Union européenne » serait qualifié de « libertarien » aux Etats-Unis. Un long article, publié le 11 juillet sur le site ConservativeHome, détaille sa stratégie de rupture avec l’UE et présente le Brexit comme une excellente opportunité pour « construire notre place dans le monde », une expression reprise depuis lors par Mme May. Il promet « des effets bénéfiques » sur l’économie britannique, « avant même le départ formel de l’UE », qu’il prévoit autour de décembre 2018.

David Davis critique le type de croissance dont profite actuellement l’économie britannique, basée, selon lui, sur une faible productivité, des bas salaires et le recours à une « immigration de masse incontrôlée ». Il estime que le Brexit offre la possibilité d’une réorientation vers une « stratégie de croissance tirée par les exportations », grâce à des traités de libre-échange beaucoup plus rapidement conclus qu’à travers l’Union européenne.

Il estime que de tels traités peuvent être signés d’ici un à deux ans avec les Etats-Unis, l’Australie, la Chine et l’Inde. L’attractivité du Royaume-Uni serait assurée par une nouvelle baisse (à 15 %) de l’impôt sur les sociétés.

Le nouveau ministre du Brexit estime que l’UE va continuer d’offrir à Londres un libre accès à son marché unique sans droits de douane, car c’est, selon lui, son intérêt. « Une fois que les pays européens auront compris que nous resterons fermes sur le contrôle de nos frontières, ils voudront discuter, dans leur propre intérêt », écrit-il. M. Davis reste cependant muet sur la question du maintien de la libre circulation des personnes, corollaire de l’accès au marché unique.

Pourfendeur des lois « liberticides »

Selon le nouveau ministre, le Royaume-Uni devrait enclencher l’article 50 du traité de Lisbonne, qui formalise le début des négociations de sortie, « avant ou dans le courant de l’année prochaine ». Dans une autre déclaration, faite en mai, il plaidait pour une stratégie de Brexit centrée sur la recherche d’un accord avec Berlin et non Bruxelles. Theresa May pourrait donc tenter de constituer un axe avec la chancelière allemande, Angela Merkel, à laquelle elle est souvent comparée.

La réputation de bagarreur de M. Davis remonte aux années Blair et Brown, qu’il a passées comme ministre de l’intérieur du cabinet fantôme conservateur (opposition), de 2003 à 2008. Pourfendeur des lois « liberticides » votées par le Labour après les attentats terroristes de New York et Londres, il s’élevait contre « l’érosion des libertés », tonnant contre la loi étendant la durée de la garde à vue en matière de terrorisme et – avec succès finalement – contre l’instauration de cartes d’identité. Ce qui ne l’a pas empêché de se prononcer en faveur du rétablissement de la peine de mort.

En 2008, il va jusqu’à démissionner de son mandat de député de Haltemprice and Howden (Yorkshire, nord de l’Angleterre) pour protester contre les atteintes aux libertés publiques, provoquant une élection partielle où il est réélu.

Parcours atypique chez les tories

Né dans un milieu modeste, élevé dans un logement social par une mère seule, David Davis tranche dans le milieu des barons tories. Elève moyen, il n’a poursuivi des études supérieures (à Warwick, Londres, puis Harvard) qu’après s’être engagé dans les forces spéciales de l’armée et en avoir obtenu une bourse. Il a été cadre du groupe britannique agroalimentaire Tate & Lyle pendant vingt ans avant de commencer une carrière politique.

En 2005, il était le favori pour l’élection à la tête du Parti conservateur, mais a été battu par David Cameron. Ce dernier lui a alors proposé d’entrer dans son gouvernement, ce qu’il a refusé.

Sa défense des libertés publiques ne s’est pas arrêtée avec l’arrivée au pouvoir de son rival en 2010. Il a en particulier bataillé contre le projet de loi de surveillance d’Internet défendu par la ministre de l’intérieur de l’époque… Theresa May.

Critique à l’égard du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), il est cependant opposé à la rupture du Royaume-Uni avec la juridiction de Strasbourg, relevant que le départ de Londres serait un encouragement pour les pays qui enfreignent les droits de l’homme.

Est-ce pour cette raison que Theresa May, qui s’était déclarée favorable à un divorce avec la CEDH, a fait volte-face sur ce sujet voici quelques jours, lorsqu’elle a brigué le poste de premier ministre ? Toujours est-il que son retournement lui a valu le soutien de M. Davis. Il se trouve aujourd’hui récompensé par l’attribution d’une mission de confiance à hautes responsabilités et hauts risques, au cœur du cyclone du Brexit.