Si la course à pied du maillot jaune Christopher Froome ne restera qu’une image anecdotique et sans conséquence sur la course, elle pose des questions qui divisent le peloton depuis jeudi soir, tandis que d’autres épisodes de l’ascension ont fait surface sur les réseaux sociaux vendredi.

L’organisation du Tour est-elle coupable de négligence ?

Selon le directeur du Tour de France Christian Prudhomme interrogé jeudi soir, l’organisation a été gênée par le vent violent soufflant au sommet du mont Ventoux, l’empêchant de rapatrier toutes les barrières. D’ordinaire, les deux derniers kilomètres d’une ascension sont jalonnés de barrières de part et d’autre de la route pour protéger les coureurs à l’endroit où la foule est la plus dense. Sur le Ventoux, les barrières n’étaient présentes que sur 500 mètres environ.

Or, les barrières étaient plus nécessaires que jamais : la plupart de la foule s’étant installée depuis au moins une nuit au sommet du Ventoux a en effet descendu les lacets pour se placer sur le passage des coureurs, rendant la concentration de spectateurs encore plus forte que d’ordinaire. « Je n’arrive pas à croire qu’il n’y avait pas de barrières à cet endroit », disait Richie Porte, tandis que Geraint Thomas n’avait pas le sentiment que les spectateurs étaient plus proches que d’habitude.

Hormis les quelques énergumènes habituels, plus soucieux de passer à la télévision que de soutenir les coureurs, la foule n’était pas particulièrement alcoolisée ou virulente, comme l’ont constaté les journalistes du Monde en grimpant le Ventoux une demie-heure avant les coureurs - en voiture. Mais dans les deux derniers kilomètres, la densité de la foule rendait le passage très difficile.

C’est dans ce contexte que la moto de télévision, gênée en plus par un spectateur traversant la route devant elle et une autre moto ne devant plus se trouver là à ce stade, a pilé devant le groupe de Christopher Froome.

Nairo Quintana s’est-il accroché à une moto d’assistance ?

L’image fait le délice des réseaux sociaux depuis vendredi matin : sur une vidéo filmée par un spectateur peut après l’incident, l’on voit Christopher Froome courir avec son vélo, Richie Porte pédaler devant une moto d’assistance Mavic, et juste derrière cette moto jaune, le Colombien Nairo Quintana agrippé à une roue fixée à l’arrière de la moto.

Forcément, dans cette situation, l’ascension est plus facile. Si les commissaires assistent à une scène de ce genre en direct, ou la revisionnent à la télévision - comme dans le cas de Vincenzo Nibali sur le Tour d’Espagne 2015 -, la sanction est claire : exclusion de la compétition.

Toutefois, la vidéo est trop fugace pour affirmer que Quintana s’est accroché à la moto Mavic pour s’aider à monter : compte tenu du bordel ambiant, il a pu le faire pour éviter de tomber. Si le Colombien avait cherché à reposer ses jambes, sans doute ne l’aurait-il pas fait sous les yeux de ses adversaires directs, dans un groupe dont il savait qu’il était filmé par les caméras de France Télévisions.

Chris Froome avait-il le droit de faire une partie du parcours à pieds ?

Le cyclisme se pratique sur un vélo : pas sur un vélo à moteur, pas dans une voiture, pas accroché à une moto et... pas à pied. C’est ce que dit, en tout cas, le règlement UCI qui n’a pas été appliqué jeudi sur le Mont Ventoux. En effet, un coureur « tentant de se faire classer sans avoir accompli tout le parcours à bicyclette » est théoriquement mis hors-course.

Mais le jury des commissaires a fait preuve de clémence en fermant les yeux sur la centaine de mètres courue par Chris Froome, compte tenu des circonstances.

« Si l’on pense aux futurs incidents, l’UCI ne s’est pas facilitée la tâche », a estimé sur Twitter l’ancien maillot jaune - dopé, comme il l’a avoué - Michael Rasmussen, consultant pour un journal danois sur le Tour.

Les autres équipes étaient-elles vraiment d’accord avec la décision des commissaires ?

« L’UCI a pris la bonne décision pour le fair play, les autres équipes sont d’accord et je pense que la décision est soutenue par tous les coureurs du peloton et les autres équipes. » Ainsi parlait le manager de la Sky, Dave Brailsford, jeudi soir. C’était avant que les autres équipes et adversaires de Chris Froome n’aient pu réagir publiquement.

Du tweet de Bauke Mollema, qui se demandait ce qui serait advenu s’il avait été le seul à tomber, à Nairo Quintana confiant le soir à L’Equipe que « des choses (étaient) difficilement explicables », le sentiment demeure que la décision des commissaires n’a fait l’unanimité qu’auprès d’un seul adversaire direct de Froome : le Britannique Adam Yates, qui de par sa nationalité et son jeune âge prendrait des risques inconsidérés pour sa carrière en se mettant en porte-à-faux avec la puissante formation nationale.

Chez Orica-BikeExchange, l’équipe de Yates, c’est d’ailleurs l’expérimenté directeur sportif Lorenzo Lapage qui se chargeait, toujours dans L’Equipe, de critiquer la décision des commissaires : « C’est toujours dommage de voir ce genre d’incident se produire mais il y a des règles dans notre sport et il faut les respecter. Je ne suis pas sûr qu’on les aurait changées (si quelqu’un d’autre avait été) à la place du maillot jaune. C’est le leader de la course qui a été protégé aujourd’hui (jeudi). »

La Sky a-t-elle organisé un ravitaillement illégal ?

Un Coca et ça repart : si le Néerlandais Wout Poels a été si impressionnant dans la montée du Ventoux jeudi - au point que Sergio Henao, dans sa roue, se plaignait après l’étape de son rythme effréné -, c’est peut-être aussi parce qu’il a pu prendre un peu de carburant à 5,5 kilomètres de l’arrivée alors qu’il était à sec.

Un extrait de la retransmission de la montée du Ventoux a en effet refait surface sur les réseaux sociaux vendredi après-midi, montrant un assistant de la Sky placé dans la foule tendre une canette au grimpeur néerlandais, avant de décamper.

Une assistance discrète, et pour cause : sauf chaleur exceptionnelle, et sur décision des commissaires, les derniers ravitaillement doivent être faits avant les 20 derniers kilomètres.

En 2013, Chris Froome avait écopé d’une pénalité de 20 secondes pour ravitaillement illégal : Richie Porte avait alors donné un sucre à son leader dans les derniers kilomètres de l’Alpe d’Huez, alors que le maillot jaune souffrait d’hypoglicémie.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web