Marche en faveur de la lutte contre le sida, le 16 juillet, à Durban. | AP IMAGES FOR AIDS HEALTHCARE FOUNDATION

Seize ans après, la conférence internationale sur le sida revient à Durban (Afrique du Sud). La 21e édition de ce rendez-vous mondial rassemblant 18 000 chercheurs, cliniciens, décideurs, personnes vivant avec le VIH et autres acteurs de la société civile s’est ouverte, lundi 18 juillet, pour cinq jours, dans un contexte bien différent de celui qui prévalait en 2000.

Elle est à présent marquée par des avancées scientifiques qui permettent à l’International AIDS Society (IAS), association scientifique organisatrice de la conférence, de développer une stratégie de recherche d’un traitement aboutissant à une rémission durable de l’infection, qui touche 37 millions de personnes dans le monde et en a tué 30 millions. L’objectif affiché reste de mettre fin à l’épidémie d’ici à 2030. La conférence reflète aussi une mobilisation de l’ensemble des acteurs en direction des populations vulnérables, à commencer par les enfants et adolescents sur lesquels l’accent est mis cette année, les personnes se livrant à la prostitution, les détenus et les usagers de drogue injectable.

Rôle de tremplin pour l’accès aux médicaments

En 2000, la conférence se tenait dans un contexte où les malades étaient au Sud et les traitements uniquement au Nord. L’Afrique du Sud était le pays le plus lourdement touché par l’épidémie et son président de l’époque, Thabo Mbeki, niait la responsabilité du VIH dans le sida et dénonçait les médicaments antirétroviraux comme nocifs. La conférence de Durban en 2000 a pourtant joué un rôle de tremplin pour l’accès aux médicaments.

L’année suivante, le procès de Pretoria dans lequel 39 laboratoires pharmaceutiques poursuivaient Nelson Mandela et le gouvernement sud-africain pour leur loi favorisant l’usage de médicaments génériques, se terminait par l’abandon de la plainte. En 2001 également, la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies décidait de créer le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et les Etats-Unis lançaient leur plan présidentiel de financement de la lutte contre le sida. De son côté, la conférence intergouvernementale de l’Organisation mondiale du commerce adoptait la Déclaration de Doha qui reconnaissait que les accords sur la propriété intellectuelle ne devaient pas faire obstacle à l’accès aux traitements.

« Le monde a une chance historique d'en finir avec le sida »
Durée : 03:50

En 2000, moins d’un million de personnes vivant avec le VIH avaient accès aux antirétroviraux qui font de l’infection une maladie chronique. En 2015, elles étaient 17 millions. Un bond spectaculaire, mais qui ne doit pas cacher que 20 millions d’individus devraient encore être mis sous traitement. Grâce aux efforts de prévention, le nombre de nouvelles infections annuelles dans le monde a diminué, passant de 3,2 millions en 2000 à 2,1 millions en 2015. Là encore, les progrès ne doivent pas masquer l’ampleur persistante du problème.

« Nous risquons un rebond de l’épidémie »

Après avoir fortement décliné après l’arrivée des trithérapies (1996-1997) jusqu’en 2005, passant sous la barre des 3 millions, le nombre de nouvelles infections ne décroît que lentement depuis dix ans et continue d’augmenter en Europe orientale et Asie centrale. Ce, alors que les moyens de prévention se sont étoffés : aux préservatifs, s’est ajoutée (pour les hommes) la circoncision dans les pays de forte prévalence, la mise sous traitement antirétroviral des personnes séropositives (qui réduit considérablement le risque de transmission au partenaire), sans compter les recherches sur l’utilisation de microbicides pour que les femmes puissent mettre en œuvre elles-mêmes un moyen de se protéger.

Une situation qui inquiète fortement Michel Sidibé, le directeur exécutif d’Onusida : « Treize des quatorze principaux donneurs au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont réduit leur contribution. Si nous ne poursuivons et n’amplifions pas nos efforts, nous risquons un rebond de l’épidémie et cela nous coûtera beaucoup plus cher car il faudra recommencer le travail comme cela a été le cas avec le paludisme. »

Lourd tribut payé par les enfants et les adolescents

Les attentes sont donc fortes à l’ouverture de cette conférence. Tout d’abord, elle devrait être un tournant dans la prise en compte du tribut particulièrement lourd que payent les enfants et adolescents face à l’infection par le VIH : 150 000 enfants sont encore nouvellement infectés chaque année, en particulier en Afrique et 1,8 million vivent avec le VIH.

Pour le Pr Linda-Gail Bekker (université du Cap), qui prendra la présidence de l’IAS à l’occasion de la conférence de Durban, « dans toutes les populations les plus vulnérables, il faut des services spécifiques pour les adolescents. Les enfants ne sont pas des petits adultes ». Présente à la conférence, car sa fondation est engagée dans des actions en faveur des enfants et adolescents, l’actrice sud-africaine Charlize Theron abonde dans son sens : « Nous n’avons pas assez prêté attention aux adolescents. Le VIH est le premier tueur d’enfants en Afrique. Ce sont les oubliés de l’épidémie. » Durban 2016 pourrait ainsi marquer un tournant.

Manifestation à Durban pour un meilleur accès aux traitements, lundi 18 juillet, jour de l’ouverture de la 21e conférence internationale sur le sida. | AP

L’autre thématique importante est celle de la prophylaxie pré-exposition (en anglais PrEP), pour laquelle de nouveaux résultats d’études cliniques seront présentés au cours de la conférence. La prise d’antirétroviraux par des personnes séronégatives avant des rapports sexuels non protégés – que ce soit par choix ou sous la contrainte du partenaire – a déjà démontré son efficacité. L’Afrique du Sud commence à la mettre en œuvre chez des personnes se livrant à la prostitution, hors du cadre des essais cliniques. Actuel président de l’IAS, Chris Beyer (université Johns Hopkins, Baltimore) souhaite que « la conférence de 2016 à Durban ouvre l’ère de l’accès à la PrEP comme celle de 2000 avait ouvert celle de l’accès aux traitements ».

Plus globalement, la question de l’accès aux traitements partout dans le monde reste posée et plusieurs milliers de manifestants l’ont rappelé dans les rues de Durban, lundi 18 juillet. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a mis sur pied un panel de haut niveau sur ce thème, au-delà du seul VIH. Coprésidé par l’ancienne présidente suisse Ruth Dreifuss et l’ancien président botswanais Festus Mogae, ce groupe de 16 membres rendra à l’automne son rapport dont M. Ban estime que « les résultats pourraient affecter la vie de millions de personnes », comme il l’a déclaré à Durban.