Le camion utilisé par Mohamed Lahouaiej Bouhlel pour commettre l’attentat. | BORIS HORVAT / AFP

L’Etat islamique aura mis trente-six heures pour se manifester et revendiquer sa responsabilité dans l’attaque de Nice. L’organisation djihadiste aurait-elle pris le temps de valider la personnalité de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, voire d’éventuels liens qui l’uniraient à elle ? En déclarant que l’auteur de l’attaque avait « répondu aux appels à viser des citoyens des Etats de la coalition qui combat l’Etat islamique », l’EI cherche à inscrire l’attentat dans la stratégie rendue publique par Abou Mohamed Al-Adnani. Le porte-parole avait, dès septembre 2014, appelé dans un message audio ses sympathisants en Occident à réagir face aux « croisés » en réponse à la mise en place d’une coalition internationale. Un appel renouvelé en mai 2016 – le dirigeant djihadiste appelle même à privilégier des « cibles civiles ».

Pourtant, le profil de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, inconnu des services de renseignement et décrit par plusieurs proches comme « n’ayant pas toute sa tête », intrigue. S’agit-il dès lors d’une revendication d’opportunité de la part de l’EI, qui surferait sur un acte de folie ? Jusqu’ici, le groupe n’a jamais revendiqué une attaque terroriste qu’il n’a pas commise ou inspirée. De même que l’organisation s’est, à plusieurs reprises par le passé, contentée de « saluer » des attentats sans s’en attribuer la responsabilité et admet ainsi n’avoir aucun lien avec leurs auteurs. C’était le cas avec la fusillade de San Bernardino, le 2 décembre 2015 en Californie (14 morts), ou la prise d’otages de Sydney, en Australie, le 15 décembre 2014 (4 morts).

« Ils vont feuilletonner »

« S’ils revendiquent, cela veut dire qu’ils ont des preuves de ces liens et qu’ils vont feuilletonner », expliquait le journaliste David Thomson au Monde samedi 16 juillet. Quatre mois après les attaques de Bruxelles de mars, l’organisation djihadiste continue, par exemple, de distiller des informations sur leurs auteurs : un testament attribué à Khalid Al-Bakraoui, qui s’est fait exploser dans le métro de la capitale belge, a ainsi été mis en ligne dimanche 17 juillet.

Et si l’EI ne s’est pas attardé sur la personnalité d’Omar Mateen, qui a abattu 50 personnes dans la nuit du 11 au 12 juin dans une discothèque gay d’Orlando en Floride, ce dernier avait pris soin de prêter allégeance au « califat » dans un échange téléphonique avec la police. « Il est important que la tuerie soit revendiquée au nom de l’Etat islamique pour que les médias croisés n’attribuent pas ces tueries au hasard », précisait en septembre 2014 Abou Mohammed Al-Adnani. Aucun message de revendication n’a par contre été retrouvé sur Mohamed Lahouaiej Bouhlel à Nice.

« Daech n’organise pas, Daech insuffle un esprit terroriste contre lequel nous combattons », constatait le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, samedi 16 juillet. Les prochains jours diront si Mohamed Lahouaiej Bouhlel est le produit, ou pas, de cet « esprit ».