L’une des plages de Nice que longe la promenade des Anglais, samedi 16 juillet. | GIUSEPPE CACACE / AFP

Le premier réflexe de Serge Cajna, au matin du 15 juillet, a été de retourner sur la promenade des Anglais. Pour conjurer les images du drame vécu la veille avec sa compagne. « La Prom’, j’en suis amoureux ; pas un jour ne passe sans que j’y aille regarder la mer », explique cet agent immobilier né dans la cité azuréenne il y a cinquante et un ans. Ce matin-là pourtant, il l’a trouvé bouclée comme le sont les scènes de crime. Lui qui n’est « pas croyant » s’est donc retrouvé, « sans [s’en] apercevoir », à l’église de son quartier où il s’est « recueilli ».

Avec sa compagne, il profitait le 14 juillet au soir des concerts organisés sur la promenade des Anglais, essentiellement ouverte aux piétons. « Ce n’est pas si fréquent et les gens en profitaient pour occuper tout l’espace, à pied, en trottinette… », se souvient-il. C’est alors qu’au niveau du Palais de la Méditerranée, une femme s’est retournée et s’est mise à hurler, les yeux écarquillés de terreur. « Ses cris nous ont sans doute sauvés la vie », souffle M. Cajna.

« Tellement violent et soudain »

Le couple n’a évité que de quelques dizaines de centimètres le camion frigorifique blanc qui fonçait dans sa direction. Il raconte :

« Les corps volaient et jonchaient la chaussée. On n’a pensé à rien, ni à un type saoul ni à un attentat. C’était tellement violent et soudain que ça paraissait irréel, comme un film gore. J’ai pris ma compagne dans mes bras pour qu’elle ne voie pas ça. »

Puis, il y a eu les coups de feu et une nouvelle séquence d’angoisse et de panique. « On a alors sauté sur la plage, dit le Niçois. Nous envisagions de nager pour éviter le pire et de nous réfugier, comme d’autres l’avaient déjà fait, sous les pontons des plages privées. » Le couple a finalement pu remonter à pied vers l’ouest par les plages de galets et regagner son domicile, où ils ont passé la nuit à rassurer famille et amis et à prendre des nouvelles de proches.

Serge Cajna, qui dit avoir mis quarante-huit heures à « retrouver [ses] esprits », se réjouit que le public ait « réinvesti » l’endroit dès dimanche. Pour y déposer fleurs et messages de solidarité, mais surtout pour y courir ou y rouler à vélo ou à rollers. « Malgré l’horreur, la Prom’ doit retrouver sa fonction d’avant, celle d’un lieu social », dit l’agent immobilier.