Des policiers près du lieu où un Afghan de 17 ans a blessé les passagers d’un train régional à Würzburg, en Bavière, dans le sud de l’Allemagne. | Karl-Josef Hildenbrand / AP

L’Allemagne avait été, ces dernières années, relativement épargnée par le terrorisme. Mardi 18 juillet, pour la première fois, l’organisation Etat islamique (EI) a revendiqué un attentat perpétré dans le sud du pays, en Bavière. Une attaque à la hache et au couteau qui a blessé cinq personnes dans un train et dont l’auteur, abattu par la police, était un demandeur d’asile afghan de 17 ans.

Rolf Tophoven, expert des questions liées au terrorisme et directeur de l’Institut de prévention des crises à Essen, dans l’ouest du pays, revient sur les facteurs qui expliquent que l’Allemagne ait été, jusqu’ici, davantage épargnée que la France en matière de terrorisme.

Une telle attaque en Allemagne était-elle prévisible ?

Il semble que l’on soit à l’époque de ce que l’on appelle les « loups solitaires ». Une multitude de raisons peuvent expliquer que des jeunes deviennent des recrues de l’Etat islamique (EI). Dans le cas de cet Afghan, qui est arrivé très jeune avec le flot des réfugiés, les premiers éléments indiquent qu’il était intégré et qu’il n’a montré aucun signe de radicalisation. Il avait un comportement normal et n’est jamais apparu sur les radars des services de renseignement, de la police ou des autorités. C’était un gars normal qui vivait au milieu des réfugiés, comme il y en a dans tous les pays.

Peut-être qu’il était frustré par sa situation, ne se voyait pas d’avenir. Il a pu regarder la propagande de l’EI sur Internet, les vidéos, etc., jusqu’à ce que se produise cette « radicalisation éclair », du jour au lendemain. Il semble pour l’instant que son cas soit assez similaire à celui du tueur de Nice, qui n’avait jamais été surveillé par les services antiterroristes, ou de celui d’Orlando, aux Etats-Unis, qui s’est radicalisé seul, sans liens directs avec l’Etat islamique.

Le danger pour nos sociétés, c’est que ces agresseurs peuvent faire des émules. Or,on peut avoir la meilleure police, la meilleure armée et les meilleurs services de renseignement au monde, il est impossible d’arrêter ce type de terroriste. La seule possibilité, c’est d’avoir des renseignements suffisamment bons pour repérer ces individus en amont, les surveiller en permanence et les arrêter au moment où ils vont commettre leur attentat, lorsque le tueur de Nice sort de chez lui pour monter dans le camion par exemple. Sinon, c’est impossible.

Qu’est-ce qui explique qu’à la différence de la France, l’Allemagne ait été relativement épargnée, ces dernières années, par le terrorisme ?

L’Allemagne a empêché douze opérations terroristes depuis 2001. Ce sont des bombes qui n’ont pas détoné, des individus arrêtés alors qu’ils planifiaient une attaque… La dernière attaque terroriste datait de mars 2011, lorsqu’un loup solitaire kosovar a tué deux militaires qui partaient en Afghanistan à l’aéroport de Francfort. Heureusement, son arme s’est enrayée et il n’a pas pu faire davantage de victimes.

L’Allemagne n’est pas la France ni la Belgique. La France a des problèmes d’intégration et d’assimilation complètement différents, une communauté musulmane nord-africaine alors que celle qui vit en Allemagne est essentiellement turque, son histoire coloniale, des difficultés dans ses banlieues, un chômage fort… Du point de vue des terroristes, cela constitue un terreau très fertile à la radicalisation et à la planification d’opérations terroristes.

Après le 11-Septembre, les services de renseignement allemands ont aussi beaucoup travaillé pour construire des branches spécifiques qui ont une réelle connaissance de l’islam, du Coran, des processus de radicalisation, et qui aujourd’hui fonctionnent bien. En Allemagne, on entend souvent « Nous avons eu de la chance » pour expliquer qu’il n’y ait pas eu davantage d’attaques. Nous avons eu de la chance mais nous avons aussi des renseignements et une police professionnels, il faut les deux.

Quelles conséquences cet attentat peut avoir en Allemagne ?

Je ne pense pas que notre arsenal sécuritaire soit renforcé, si ce n’est à la marge. A mon avis le message qu’il faut faire passer à la population, c’est : « Soyez en alerte, regardez autour de vous, mais ne cédez pas à l’hystérie et à la panique, continuez à vivre une vie normale ».

Bien sûr, chaque attentat a un effet, au-delà même des frontières. Après l’attentat du 14 juillet à Nice, un festival de feux d’artifice était organisé samedi à Cologne : 300 000 personnes auraient dû y assister, elles n’ont été que 200 000. Les gens ont peur. Mais il ne faut pas jouer le jeu des terroristes. Encore une fois, on ne peut pas empêcher les attaques des « loups solitaires ».