La convention républicaine de Cleveland le 19 juillet 2016. | DARCY PADILLA/ AGENCE VU POUR LE MONDE

Que deviendrait la convention républicaine de Cleveland sans Hillary Clinton ? Il est impossible de faire deux pas dans les couloirs du temple de l’équipe de basket des Cavaliers sans croiser un tee-shirt lui promettant la prison. Et le refrain « Enfermons-la ! » résonne à intervalles réguliers dans l’enceinte prise d’assaut par les délégués, lorsque la colère contre le Parti démocrate se transforme en haine brute.

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Alors que Donald Trump a reçu officiellement, mardi 19 juillet, l’investiture du Parti républicain pour l’élection du 8 novembre (il doit selon la coutume l’accepter lors du discours de clôture, prévu jeudi), le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, a transformé dans la soirée la convention en tribunal populaire. L’ancien procureur a enjoint au public de juger coupable l’ancienne secrétaire d’Etat, y compris pour des choix politiques ou des drames survenus bien après son départ du département d’Etat.

Cette polarisation sur la future adversaire du magnat de l’immobilier présente une vertu : celle de dissimuler les divisions persistantes au sein de la famille républicaine, passées soigneusement sous silence. Le mouvement anti-Trump a beau avoir été définitivement défait, plusieurs lignes politiques continuent de cohabiter au sein du Grand Old Party (GOP).

Le contenu de la plate-forme officielle du Parti républicain en témoigne. Cette dernière, rédigée par des cadres conservateurs et adoptée avant le début de la convention, intègre la promesse de campagne sur laquelle le milliardaire a construit son succès : la construction d’un « mur » sur la frontière avec le Mexique. Le programme républicain se garde en revanche d’évoquer, comme M. Trump a pu le faire, l’expulsion des 11 millions de personnes qui se trouvent dans cette situation.

Saillies démagogiques

Cette mesure est pourtant très populaire au sein de l’électorat républicain. Dans le New York Times du 17 juillet, un ancien membre de plusieurs administrations républicaines, Peter Wehner, aujourd’hui au Ethics and Public Politicy Center, a estimé qu’« il existe au sein du parti des personnes attirées par une politique plus raciale et ethnique, emportées par la rancœur et l’intolérance. Ce groupe est bien plus important que je ne l’imaginais ».

La plate-forme rejoint également le magnat de l’immobilier dans sa mise en cause de traités commerciaux jugés désastreux pour l’emploi aux Etats-Unis, une rupture par rapport à la doxa républicaine. Elle envisage également d’interdire l’accès du territoire aux immigrants venus de pays où sont recensées des organisations terroristes. Mais elle ne mentionne pas une mesure visant spécifiquement les musulmans, contrairement à M. Trump.

A l’inverse, les rédacteurs de ce texte, qui ne lie pas les mains du candidat, insistent plus lourdement que le milliardaire sur les « valeurs » auxquelles s’accroche l’aile la plus droitière du GOP. Invocation répétée de Dieu, conviction que l’enseignement de la Bible est « indispensable à l’éducation civique » : la plate-forme prône également de revenir sur deux évolutions sociales majeures sanctuarisées par la Cour suprême, l’une ancienne, l’avortement, l’autre récente, le mariage homosexuel.

Sur ces deux sujets sensibles, M. Trump s’est toujours gardé de se montrer trop intransigeant, suscitant même des doutes sur la solidité de ses convictions conservatrices. Ces soupçons ont été renforcés par la multiplication des libertés prises avec les références traditionnelles du parti, sur fond de populisme et de saillies démagogiques du candidat.

« Bataille pour son âme »

Mardi soir, dans une intervention remarquée, le fils du milliardaire, Donald Trump Jr., a d’ailleurs donné une illustration de ce que pourrait devenir le Parti républicain en cas de victoire de son père. Sans craindre le paradoxe créé par son statut d’héritier passé par les meilleures écoles américaines, ce dernier a stigmatisé la « nouvelle aristocratie » (démocrate) et les élites diplômées qui seraient seules responsables, selon lui, des déboires des États-Unis.

Avant l’intervention du fils aîné du magnat de l’immobilier, le speaker (président) de la Chambre des représentants, Paul Ryan, avait choisi de passer sous silence les différences internes républicaines, au nom d’un impératif de victoire. La convention de Cleveland n’avait pas encore commencé, lundi, qu’il répétait pourtant que M. Trump, auquel il s’est rallié du bout des lèvres, n’était pas son « type de conservateur ».

M. Ryan, qui se présente souvent comme un garant de l’identité du parti, a pronostiqué qu’au lendemain des élections, le GOP connaîtra « une bataille pour son âme ». « Notre but n’est pas de prêcher devant une assistance qui se vide, notre but est de gagner de nouveaux convertis », a-t-il ajouté, dans une critique à peine voilée d’une campagne qui coupe plus que jamais les républicains de pans entiers de la société américaine.

L’élu du Wisconsin sait que l’histoire du parti a déjà montré qu’un candidat aux idées radicalement différentes à ses principes et valeurs traditionnels est capable de les modifier et de les transformer. C’est d’ailleurs ce qu’était parvenu à faire le très droitier Barry Goldwater, dont la campagne s’était soldée par une cuisante défaite à la présidentielle de 1964.

Donald Trump officiellement désigné candidat du Parti républicain pour la présidentielle américaine
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