Manuel Valls, le 20 juillet. | FRANCOIS GUILLOT / AFP

Le premier ministre Manuel Valls a une nouvelle fois utilisé l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution pour faire passer en force le projet de loi travail, mercredi 20 juillet, lors de sa lecture définitive, faute de majorité assurée pour une adoption normale à l’Assemblée nationale. Après plus de trois mois de contestation, parfois émaillée de violences, le texte sera considéré comme définitivement adopté dans un délai de vingt-quatre heures, soit jeudi après-midi, si aucune motion de censure n’est déposée.

Cette fois-ci, le recours au 49.3 s’est fait dans un climat beaucoup moins passionnel à gauche, les députés étant tournés vers la quatrième prolongation de l’état d’urgence après l’attentat de Nice. Mardi, au Sénat, la majorité de droite a rejeté le texte sans même en débattre, estimant ne pas avoir été entendue sur ses propositions plus libérales, par exemple la suppression des trente-cinq heures. L’opposition n’a pas l’intention de déposer de motion de censure, et une troisième tentative de motion de gauche semble plus que compromise.

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A contre-courant de l’opinion

Malgré une contestation exceptionnellement longue, démarrée dès la publication de l’avant-projet de loi de la ministre du travail Myriam El Khomri, le gouvernement aura finalement réussi à faire passer sa grande réforme. Mais à contre-courant de l’opinion – sept Français sur dix s’y disent opposés, selon les sondages – et au prix d’une majorité déchirée, à moins d’un an de la présidentielle et des législatives. M. Valls a d’ailleurs admis qu’il n’avait plus qu’une « majorité relative » à l’Assemblée. Mais il a jugé l’arme constitutionnelle du 49.3 nécessaire pour faire passer un texte de « progrès social » face aux « conservatismes ».

A deux voix près, les frondeurs socialistes auront échoué par deux fois à déposer avec des écologistes et des élus Front de gauche une motion de censure inédite contre leur gouvernement, et à amender la « colonne vertébrale » du texte, l’article 2 consacrant la primauté de l’accord d’entreprise sur la convention de branche en matière de temps de travail.

Malgré quelques concessions sur un renforcement du rôle des branches professionnelles, l’exécutif s’est montré inflexible sur cet article au cœur de la philosophie même de cette loi, défendue par la Confédération française démocratique du travail (CFDT). A défaut de motion, les contestataires du Front de gauche, des écologistes et des frondeurs socialistes vont chercher à réunir soixante parlementaires pour saisir le Conseil constitutionnel.

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« La colère reste là »

Dans la rue, la contestation n’est officiellement pas terminée, malgré une pause estivale après douze journées de manifestations entre le 9 mars et le 5 juillet, souvent émaillées de violences. Les syndicats opposés au texte, la Confédération générale du travail (CGT) et Force ouvrière (FO) en tête, promettent de reprendre la mobilisation le 15 septembre. Et si ce texte « contre les travailleurs » est adopté en l’état, François Hollande et M. Valls « le paieront d’une façon ou d’une autre », a lancé Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. « La colère reste là. Le gouvernement n’en a pas fini », selon Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT.

A l’extérieur du Palais-Bourbon, à l’initiative de l’union syndicale Solidaires et du mouvement Nuit debout, une action est prévue avec une banderole fixée sur des ballons de sorte qu’elle flotte devant le fronton de l’Assemblée.

Le patronat a applaudi la première version du texte au début de mars. Mais les modifications apportées ensuite ont été décriées publiquement comme autant de « reculs », notamment la suppression du plafonnement des indemnités prud’homales. S’il dénonce une réforme « ratée », selon les termes de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), qui « ne servira à rien en termes d’emploi », selon le Mouvement des entreprises de France (Medef), il adhère tout de même à plusieurs points majeurs.

La « sécurisation des licenciements économiques » d’abord, dont les motifs seront précisés dans le code du travail. La notion de périmètre national pour apprécier les difficultés économiques d’un groupe a certes été retirée, au grand regret du Medef, mais les petites et moyennes entreprises (PME) estiment avoir été écoutées avec la prise en compte de la taille de l’entreprise pour évaluer ces difficultés. Le patronat est cependant vent debout contre la création du compte personnel d’activité (CPA), qui inclut le compte pénibilité, dispositif honni des employeurs.