Deforestation pour planter des palmiers à huile dans la forêt de Lofa au Nigeria le 28 avril 2016. | MARCO LONGARI / AFP

L’agriculture est la principale cause de déforestation dans le monde ; pourtant il est possible de nourrir l’humanité sans détruire de nouvelles forêts, démontre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans un rapport sur la situation des forêts du monde publié lundi 18 juillet.

Entre 1990 et 2015, la superficie forestière mondiale a diminué de 129 millions d’hectares (3,1 %) et compte aujourd’hui un peu moins de 4 milliards d’hectares. Bien que la perte forestière nette, au niveau planétaire, ait ralenti – passant d’une moyenne de 7,3 millions d’hectares par an dans les années 1990 à 3,3 millions d’hectares par an sur la période 2010-2015 –, la déforestation reste « très préoccupante », s’alarme la FAO. Et notamment sous les tropiques et dans les pays à faible revenu, où le phénomène prédomine.

Dans les régions tropicales, 7 millions d’hectares de forêt ont été perdus chaque année entre 2000 et 2010, tandis que la surface des terres agricoles s’est accrue de 6 millions d’hectares. Si la déforestation tient davantage à la petite agriculture de subsistance en Afrique, le développement de l’agriculture commerciale à grande échelle en est le principal moteur en Amérique latine et en Asie du Sud-Est.

Maintenir un couvert forestier

L’idée reste vive qu’il faut étendre les terres agricoles afin de produire davantage et réussir à nourrir l’humanité, qui comptera 9 milliards d’individus en 2050 – 2 milliards de plus qu’aujourd’hui. Or, relève Dominique Reeb, du département des forêts de la FAO, « on peut parvenir à une sécurité alimentaire en augmentant les rendements avec des pratiques respectueuses des écosystèmes et en intégrant les ressources forestières, plutôt qu’à travers l’expansion des zones agricoles aux dépens des forêts ».

Les arbres contribuent à l’amélioration de la productivité agricole : ils ralentissent l’érosion, maintiennent l’eau dans les sols, fournissent ombrage et protection aux cultures, et un habitat aux pollinisateurs. Et puis, le maintien d’un couvert forestier, qui piège le carbone, limite les impacts des dérèglements climatiques sur l’agriculture. « En plus de leur contribution écologique, les forêts améliorent les moyens d’existence des populations rurales et réduisent la pauvreté en générant des revenus grâce à la production de biens forestiers et de services environnementaux », insiste la FAO.

Depuis 1990, plus d’une vingtaine de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ont réussi à améliorer leur sécurité alimentaire tout en préservant ou en développant leurs forêts, souligne l’organisation onusienne, qui a étudié en particulier la situation dans sept d’entre eux.

Gestion participative

En Tunisie, par exemple, pays à revenu intermédiaire où les personnes les plus pauvres sont en situation de sous-alimentation, les plans de développement social et économique intègrent depuis 2010 le rôle bénéfique des forêts dans la protection des sols contre l’érosion et la désertification. Grâce à une meilleure utilisation des terres agricoles, à un recours accru à l’irrigation et à la mécanisation, aux semences améliorées et à des mesures d’incitation à la plantation d’arbres, ce pays a accru sa production et ses rendements agricoles tout en augmentant son couvert forestier.

La FAO souligne la nécessité d’améliorer la coordination entre les politiques forestière et agricole. « Les investissements dans l’agriculture et dans les forêts doivent être aussi importants et simultanés », relève M. Reeb, qui insiste également sur l’importance de disposer d’un cadre juridique clair régissant le changement d’utilisation des terres.

« La sécurité foncière, la reconnaissance officielle des droits fonciers coutumiers, en particulier pour les personnes vulnérables et tributaires des forêts, sont la clé de voûte d’une gestion durable des terres », assure-t-il.

La Gambie, seul pays à faible revenu parmi les sept étudiés, a réussi à réduire de 13,3 % à 5,3 % la part de sa population souffrant de la faim entre 1990 et 2015. Le pays a mis à profit l’aide publique au développement (340 millions d’euros entre 2008 et 2015) pour accroître la mise en culture de terres arables existantes, augmenter la production de riz et développer l’élevage et l’horticulture.

Des parties des réserves forestières ont également été transférées aux communautés locales, augmentant leurs revenus tirés de la forêt et atténuant la pression sur les arbres. La Gambie, premier pays africain à avoir mis en place une telle gestion participative, est, souligne Dominique Reeb, « l’un des rares sur ce continent à avoir vu son couvert forestier augmenter, et même sensiblement – de 10 % ».