Au troisième soir de la convention républicaine de Cleveland (Ohio), deux possibilités s’offraient mercredi 20 juillet aux jeunes prétendants à l’investiture républicaine défaits cette année par Donald Trump mais qui n’ont pas abdiqué leur ambition : le ralliement sans panache ou l’obstination. Le gouverneur du Wisconsin Scott Walker et le sénateur de Floride Marco Rubio, qui s’est exprimé par le truchement d’une vidéo, ont choisi la première option, la plus confortable devant une salle majoritairement acquise à l’homme d’affaires. Pas le sénateur du Texas Ted Cruz.

Soucieux de ne pas être associés à une éventuelle défaite, les deux premiers ont assuré une sorte de service minimum, déployant la plus grande part de leur énergie à attaquer la future candidate démocrate, Hillary Clinton. Avec sans doute déjà en tête la prochaine course à l’investiture, ils ont limité au strict minimum les mentions du candidat officiel du Parti républicain : trois pour le gouverneur contre deux pour le sénateur. Se voulant réaliste, M. Walker a rappelé le dilemme qui s’offre aux conservateurs restés hostiles au milliardaire. « Un vote autre que pour Donald Trump est un vote pour Hillary Clinton », a-t-il assuré alors qu’il venait de faire répéter une bonne vingtaine de fois aux délégués que « l’Amérique mérite mieux ».

Succédant à M. Rubio, M. Cruz s’est montré encore plus parcimonieux. Il n’a cité qu’une seule fois le nom du magnat de l’immobilier, au tout début de son intervention, lorsqu’il l’a félicité pour avoir été désigné officiellement candidat pour l’élection du 8 novembre. Le sénateur du Texas allait-il aller plus loin et appeler ouvertement ses partisans à voter pour le milliardaire en novembre ? C’était ce que voulait entendre le camp Trump, mais son attente a été déçue.

« Levez-vous, parlez et votez selon votre conscience »

Sans s’attarder à stigmatiser la candidate démocrate comme les orateurs qui l’avaient précédé et en évitant soigneusement toute forme d’éloge des qualités qu’il pourrait reconnaître en M. Trump, M. Cruz a rappelé avec insistance à quels principes et à quelles valeurs un candidat républicain devait se remettre. Une façon détournée d’entretenir le doute sur les convictions conservatrices du milliardaire.

« Si vous aimez votre pays et aimez vos enfants autant que je les aime, levez-vous, parlez et votez selon votre conscience », a tonné M. Cruz, impassible sous les huées, alors que le candidat investi, omniprésent depuis le début de la convention, faisait son apparition dans le carré réservé aux personnalités pour entendre le discours à venir de son fils cadet, Eric, et sans doute aussi pour tenter de voler la vedette au sénateur. M. Trump a donc pu entendre l’exhortation de M. Cruz : « Votez pour des candidats auxquels vous faites confiance pour défendre vos libertés et respecter la Constitution ! », sans que ce dernier ne mentionne une nouvelle fois le nom du candidat officiel du camp républicain.

Le trouble causé par ce signe de défiance a contraint l’ancien « speaker » (président) de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, qui s’exprimait ensuite, à défendre la thèse hardie d’un malentendu, M. Trump répondant selon lui parfaitement au portrait-robot esquissé par M. Cruz. L’ancien héraut du « contrat » conservateur « pour l’Amérique », il y a deux décennies, n’a sans doute trompé personne.

« Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve »

Un peu plus tôt dans la journée, M. Cruz avait rassemblé ses partisans, en dehors du complexe qui abrite la convention, pour les remercier de l’engagement manifesté pendant sa campagne infructueuse. « Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve. Ce que je sais, c’est que nous avons l’obligation de suivre notre conscience. On parle beaucoup d’unité. Moi aussi je veux l’unité, mais l’unité doit se faire derrière des principes partagés, et pour défendre la liberté », avait-il dit, souvent interrompu par les cris de « 2020 » lancés par ses partisans les plus déterminés, dans une allusion claire à la prochaine élection présidentielle. « L’histoire n’est pas finie », glissait Marc Hader, un délégué de l’Oklahoma.

Un peu plus tôt, des huées avaient interrompu le constat glacial par le sénateur du Texas : « Nous avons un nominé. » Les cris de protestation s’étaient vite transformés en éclats de rire. Parce que cette journée était définitivement placée sous le signe de la rivalité restée entière entre les deux hommes, l’avion privé de M. Trump, frappé des énormes lettres composant son nom, venait de glisser dans le ciel derrière la scène sur laquelle avait pris place M. Cruz.