En moyenne, les adeptes du streaming écoutent de la musique de cette manière 7 heures 50 par semaine | Le Monde

L’envol d’une hirondelle ne fait pas le printemps, mais lorsqu’elles sont deux, cela change la donne. Le marché français de la musique a pris son envol au premier semestre, avec un bond de 6 %, à 193,5 millions d’euros, porté à la fois par une forte poussée du streaming (écoute sans téléchargement) et une bonne résistance des ventes physiques.

Cette annonce faite jeudi 21 juillet par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) suit de 24 heures celle faite par son alter ego allemand qui a indiqué que le marché de la musique a, outre-Rhin, progressé de 3,6 % sur les six premiers mois de l’année. Les deux industries musicales les plus importantes d’Europe continentale ont ainsi recouvré la santé.

« Nous entrons dans une période de croissance. Le pari du streaming fait par les producteurs de musique est aujourd’hui gagné, car cet usage est entré dans les mœurs. Désormais, nous allons assister à une segmentation, une diversification et une sophistication de ce marché », précise Stéphane Le Tavernier, président du SNEP et de Sony Music France.

Derrière le streaming, il y a en fait « des streamings » : l’écoute de la musique en ligne revêt des atours différents qui se traduisent dans des services distincts. Mais que la musique en ligne soit consommée par abonnement, sur des plates-formes financées par la publicité ou via des services mettant en avant la qualité du son diffusé, il apparaît désormais certain que cette pratique concentrera pour les producteurs, comme le disque autrefois, les sources de revenus.

Toutes les classes d’âge

Le streaming devient le mode de consommation adopté par un nombre sans cesse croissant d’utilisateurs : un tiers de la population française écoute désormais de la musique en ligne, soit plus de 22 millions d’utilisateurs qui ont accès à plus de 40 millions de titres. Le chiffre d’affaires du streaming représente 76 % des revenus numériques et 36 % du marché total de la musique. A elle seule, la croissance de revenus des abonnements compense la baisse de ceux issus des ventes de CD et du téléchargement.

Comme l’indiquait le baromètre MusicUsages SNEP/GFK créé en juin, toutes les classes d’âge sont concernées : si le streaming est très populaire chez les jeunes, il a aussi trouvé son public chez les plus de 50 ans qui représentent 30 % des streamers.

Les utilisateurs gratuits d’hier sont devenus les abonnés payants d’aujourd’hui

Les producteurs, qui misent désormais sur le streaming payant (par un abonnement mensuel à Apple, Deezer, Spotify…) pour compenser la chute continue des ventes de disques, observent avec intérêt la tranche des trentenaires : s’ils ne représentent que 20 % des adeptes du streaming, les 30-39 ans constituent 36 % des abonnés. Or « c’est cette génération que l’on disait justement acquise à la gratuité et perdue pour nous », observe M. Le Tavernier.

Les utilisateurs gratuits d’hier sont devenus les abonnés payants d’aujourd’hui, car ils y trouvent leur intérêt. Le piratage est aussi lié à l’âge et au statut social. On y recourt quand on n’a pas d’argent, comme il est arrivé aux générations précédentes de piquer dans les bacs le disque tant convoité.

En moyenne, les adeptes du streaming écoutent de la musique de cette manière 7 heures 50 par semaine, selon l’étude réalisée en avril et mai. En plus d’écouter, ils créent et partagent aussi des playlists. 63 % des streamers écoutent les playlists éditoriales proposées par les services auxquels ils ont recours. Ceux qui partagent des playlists le font à 79 % via leur plate-forme de streaming (Deezer, Spotify, etc.), à 62 % via Facebook et 33 % via Twitter.

Une seule ombre au tableau

Cet engouement des consommateurs français se traduit par une progression spectaculaire des titres diffusés : 12,8 milliards de titres ont été écoutés en ligne sur les plates-formes de streaming audio au cours du 1er semestre 2016, soit 71 % de plus qu’au 1er semestre 2015 (7,5 milliards d’écoutes en ligne).

Pour accompagner ce changement d’ère, le SNEP a lancé en juillet un « Top album » en phase avec la consommation qui agrège ventes physiques, téléchargements et écoutes en streaming. Le chanteur Renaud arrive en tête de ce nouveau classement avec 602 704 ventes, soit presque plus du double que le deuxième (Kids United).

De fait, l’embellie du marché français de la musique repose aussi sur un moindre recul des ventes physiques, au premier semestre (– 5 %). L’effet Renaud est comparable à l’effet Stromae, il y a trois ans. Il est à noter que quinze albums francophones figurent au sein du « Top 20 » des meilleures ventes. Outre les deux précités, on trouve aussi JUL, Kendji Girac, Christophe Mae, Maître Gims, Louane, Jain, Nekfeu…

Le second semestre devrait être dopé par les nouvelles sorties prévues par les trois majors et les labels indépendants. Pour l’industrie musicale, dans cet horizon qui s’éclaircit, il ne reste qu’une ombre au tableau : la faible rémunération provenant du streaming vidéo en général et de YouTube en particulier. C’est le combat du « value gap » (transfert de la valeur) que tous les ayants droit de la musique entendent désormais porter à Bruxelles, auprès de la Commission européenne.