Vestiges de l’aéroport international de Donetsk, dans le Donbass. | ALEKSEY FILIPPOV / AFP

Les civils font les frais de la poursuite d’un conflit larvé dans l’est de l’Ukraine, victimes de détentions arbitraires et de tortures de la part des deux belligérants – forces ukrainiennes et rebelles séparatistes soutenus par l’armée russe. Cet état de fait, s’il n’est guère nouveau, est à nouveau exposé et documenté dans un rapport publié jeudi 21 juillet, fruit d’une longue enquête menée conjointement par Amnesty International et Human Rights Watch (HRW).

Si les deux organisations de défense des droits de l’homme reconnaissent qu’il est difficile d’estimer le nombre total de victimes de ces abus, elles se fondent sur les témoignages de quarante personnes, victimes, parents, avocats ou simples témoins de ces faits. Elles recensent neuf cas de détention arbitraire sur des sites secrets tenus par les autorités ukrainiennes et neuf cas dans les républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk. Ceux-ci ont été répertoriés entre 2015 et la première moitié de l’année 2016, alors même que les accords de paix de Minsk auraient dû entraîner une désescalade sur le terrain et des échanges de prisonniers.

Les justifications de ces détentions forcées sont souvent les mêmes : l’armée ukrainienne ou les bataillons de volontaires paramilitaires – formellement intégrés à celle-ci – arrêtent des civils suspectés de soutenir les séparatistes, pendant que ces derniers font de même avec des civils accusés de soutenir Kiev ou d’espionner pour son compte.

« Monnaies d’échange »

L’un des cas documentés par Amnesty et HRW est celui d’un certain « Vadim », 39 ans, capturé en avril 2015 à un check-point de l’armée ukrainienne et interrogé pendant six semaines sur ses liens avec la rébellion. Ses geôliers, apparemment des membres du SBU, les services de sécurité ukrainiens, l’ont notamment torturé à l’électricité, battu et brûlé avec des cigarettes. Finalement libéré, il est arrêté par les séparatistes à son retour à Donetsk et subit pendant deux mois de nouvelles tortures.

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Dans la plupart des cas, les personnes détenues le sont hors de tout cadre légal, les autorités allant jusqu’à nier les détenir et refuser une quelconque information à leurs familles. Plusieurs des libérations interviennent dans le cadre d’un échange de prisonniers, ce qui incite Amnesty et HRW à soupçonner des arrestations destinées à former des « monnaies d’échange », une pratique s’apparentant selon elles à des prises d’otages.

Les deux organisations affirment avoir identifié des lieux de détentions secrets du SBU dans les villes de Kramatorsk, Izioum, Marioupol et Kharkiv, confirmant dans ce dernier cas les informations contenues dans un rapport de l’ONU de juin 2016. Seize personnes seraient encore détenues secrètement dans cette ville. Les autorités ukrainiennes, qui ont empêché l’accès des enquêteurs à plusieurs sites, ont nié l’existence de ces lieux.

Dans la partie tenue par les séparatistes des régions de Donetsk et de Louhansk, les autorités agissent dans l’arbitraire le plus complet, laissant le champ libre aux services de sécurité. « L’absence d’Etat de droit dans ces zones laisse les personnes victimes d’abus totalement sans recours et sans défense », écrit Tanya Lokchina, l’une des auteurs du rapport.