Image d’un tir de missile diffusée par le régime nord-coréen le 21 juillet. | KCNA / AFP

« A partir de maintenant, nous allons détailler les révisions en mathématiques pour les membres de l’unité d’exploration numéro 27 de l’université d’études à distance. » Révélée le 19 juillet, cette mystérieuse déclaration radiophonique était suivie d’une litanie d’indications chiffrées : « Page 459, numéro 35. Page 913, numéro 55. Page 135, numéro 86… »

Diffusés le 24 juin et le 15 juillet en ondes courtes par Radio Pyongyang, ces messages ont vite été considérés comme des adresses codées pour des espions nord-coréens déployés au Sud. La transmission reprend une méthode qui n’était plus utilisée depuis seize ans et le premier sommet intercoréen entre le président sud-coréen Kim Dae-jung et le leader nord-coréen Kim Jong-il. « Je ne connais pas les intentions du Nord, a réagi Jeong Joon-hee, du ministère sud-coréen de l’unification. Nous espérons qu’il évitera de recourir à de vieilles pratiques et se comportera de manière constructive pour l’amélioration des relations Nord-Sud. » La présidente Park Geun-hye a convoqué le 21 juillet le conseil de la sécurité nationale pour « évaluer la situation sécuritaire après les dernières provocations et menaces du Nord ».

Yoo Dong-ryul, dirigeant du conservateur Institut coréen pour la démocratie libérale, voit dans les messages codés une tentative de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) de tromper le NIS, les services de renseignement sud-coréens, pour lui faire croire qu’il va « réveiller » ses agents. Pour M. Yoo, la technique de diffusion radiophonique n’est plus fiable et Pyongyang privilégie aujourd’hui la stéganographie – la dissimulation de messages dans des vidéos ou des fichiers sonores –, voire Internet. Le chercheur voit donc dans la démarche une action de « guerre psychologique ».

Conflit « par accident »

Le climat entre les deux pays est tendu depuis que Séoul et Washington ont annoncé, le 8 juillet, le déploiement en Corée du Sud du système américain antimissile Thaad et, une semaine plus tard, le choix de la ville de Seongju (Sud-Est) pour l’accueillir. Auparavant, le 6 juillet, Washington avait renforcé les sanctions contre des personnalités nord-coréennes, dont le dirigeant Kim Jong-un.

Depuis, et à l’approche de l’anniversaire de la fin de la guerre de Corée (1950-1953) le 27 juillet, Pyongyang multiplie ce que Séoul appelle des « provocations ». Le 18 juillet, le Nord a effectué trois tirs de missiles, que l’agence de presse nord-coréenne KCNA a présentés comme des simulations de « frappes préventives » contre les installations américaines du Sud – sous-entendu le système Thaad.

« Si des grandes puissances entraient par accident en conflit en Asie du Nord-Est, rien ne garantirait qu’une arme nucléaire ne pourrait pas tomber sur le système Thaad », assurait le 14 juillet le Comité (nord-coréen) pour la réunification pacifique. Tout cela alors que les observateurs de la Corée du Nord s’inquiètent des préparatifs d’un nouvel essai nucléaire.

Cette agitation de Pyongyang intervient alors que la Chine, son principal soutien, est mécontente des critiques contre ses activités en mer de Chine méridionale et du déploiement du système Thaad. Pyongyang chercherait-il à en profiter pour exacerber une logique de blocs ? Symboliquement, les messages codés rappellent la guerre froide. Concrètement, le rapprochement avec Pékin est sa priorité. Yang Moo-jin, de l’Université des études nord-coréennes de Séoul, juge même « très probable » une visite de Kim Jong-un à Pékin cette année. Fin mai, Ri Su-yong, le vice-président du Parti du travail au pouvoir à Pyongyang, est allé à en Chine pour discuter du programme nucléaire du Nord, améliorer les liens bilatéraux et surtout saper les bases de l’application des sanctions internationales contre le Nord.

La Chine et la Corée du Nord ont échangé des messages le 11 juillet, à l’occasion du 55anniversaire du Traité bilatéral d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle. Dans une lettre à Kim Jong-un citée par KCNA, le président chinois Xi Jinping aurait plaidé pour « le renforcement des communications stratégiques, la promotion de la coopération et des échanges et à la poursuite du développement avec la RPDC ».