Ioulia Stepanova, le 6 juillet à Amsterdam, lors des championnats d’Europe. | MICHAEL KOOREN / REUTERS

Il n’y aura probablement qu’une athlète russe aux Jeux de Rio (5 au 21 août). Ou peut-être deux. A moins que le Comité international olympique (CIO) n’en décide autrement. Difficile d’y voir clair alors que le Tribunal arbitral du sport a rejeté, jeudi 21 juillet, l’appel des 68 athlètes russes qui contestaient leur suspension par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF). Ce énième arbitrage obscurcit toutefois encore un peu plus l’horizon olympique des athlètes russes, en attendant la décision du CIO, dimanche 24 juillet.

Une chose semble acquise : Darya Klishina ira bien au Brésil. Cette spécialiste du saut en longueur a appris, le 10 juillet, qu’elle était la seule repêchée par l’IAAF. Sa chance ? Etre basée en Floride, aux Etats-Unis, et avoir donc subi des contrôles antidopage jugés crédibles.

Elle aussi exilée aux Etats-Unis – mais plus par contrainte que par choix –, Ioulia Stepanova, la lanceuse d’alerte à l’origine des révélations sur le dopage en Russie, l’accompagnera-t-elle à Rio ? Rien n’est moins sûr.

Le 1er juillet, la fédération internationale l’a certes autorisée à concourir en tant qu’athlète neutre indépendante. Elle a ainsi pu participer aux championnats d’Europe début juillet, à Amsterdam.

Mais cette option a été exclue par le président du CIO, Thomas Bach, arguant que le comité national olympique de son pays n’était pas suspendu – seulement sa Fédération nationale. Le sort de Ioulia Stepanova reste donc lié à la décision finale du CIO, dimanche.

Exil forcé

Sa non-participation à la grand-messe olympique serait une énième désillusion pour la spécialiste du 800 m depuis la tempête qu’elle et son mari Vitali, ancien contrôleur de l’agence russe antidopage, ont déclenché dans le sport russe. La vie du couple a basculé sitôt leurs témoignages diffusés.

Faisant l’objet de menaces depuis leurs révélations, ils ont été contraints de quitter leur pays et de déménager plusieurs fois en un an. D’abord en Allemagne, puis aux Etats-Unis, où ils vivent aujourd’hui reclus avec leur jeune fils, Robert, comme ils l’expliquaient au Monde en mai : « Nous préférons ne pas divulguer notre situation géographique. On ne se prend pas trop la tête non plus, mais on reste prudents. »

Vitali Stepanov confiait à cette occasion que Ioulia n’avait pas trouvé de partenaires d’entraînement aux Etats-Unis, ni d’entraîneur acceptant de la prendre en charge. Depuis plusieurs mois, elle établit donc ses propres plans d’entraînement et Vitali, en entraîneur improvisé, se charge de les lui faire appliquer.

« Les installations sont bonnes mais les gens, de manière générale, restent à bonne distance de nous, racontait au Monde l’ancien contrôleur de l’agence russe antidopage. Nous avons approché des entraîneurs et ils n’étaient pas intéressés, mais nous comprenons les refus. [Ioulia] ne peut pas changer son passé. »

Début juin, dans un courrier adressé aux présidents du CIO, de l’IAAF et de l’Agence mondiale antidopage (AMA), Vitali Stepanov plaidait pour que sa femme puisse concourir à Rio, décrivant le climat d’hostilité à leur égard :

« L’animosité des journalistes, athlètes, entraîneurs et responsables du sport dans notre pays reste insupportable (…). Les réseaux sociaux russes débordent de colère et de haine à notre encontre, pas seulement de la part du grand public mais aussi de beaucoup d’athlètes de haut niveau. Nous avons trahi un vieux système de dopage en Russie. Bien que nous soyons russes, nous savons que Ioulia ne sera plus jamais autorisée à courir pour la Russie. »

Mobilisation

Devant l’impasse dans laquelle se trouvent les époux Stepanov, coupés de leurs proches, de leur pays et de leur discipline, plusieurs athlètes engagés dans la lutte mondiale contre le dopage ont décidé de lancer une campagne de financement participatif pour venir en aide au couple lanceur d’alerte.

Parmi eux, le discobole allemand Robert Harting, champion olympique à Londres, l’Américaine Lauryn Williams, championne du monde sur 100 m en 2005 et médaillée olympique aux Jeux d’été et d’hiver ou encore Beckie Scott, présidente du comité des sportifs de l’AMA.

Cette dernière, qui avait versé 30 000 dollars aux époux Stepanov en décembre 2015, a engagé, en mai, une réforme de son programme de soutien aux lanceurs d’alerte afin d’inciter au partage d’informations.

Le fonds est destiné à « apporter un soutien aux Stepanov et à les aider à se remettre sur pied », peut-on lire sur le site résumant l’initiative, relayée également sur Facebook et Twitter :

« Au prix de grands sacrifices personnels et de gros risques, les Stepanov ont révélé un système généralisé de dopage dans l’athlétisme russe. Depuis, ils ont fui la Russie pour les Etats-Unis, où ils vivent très modestement avec leur fils de 2 ans, Robert. Ils espèrent un futur plus radieux et plus sûr pour leur famille, et notamment que Ioulia puisse participer à des compétitions internationales en tant qu’athlète propre. »

En attendant qu’ils obtiennent l’autorisation de travailler aux Etats-Unis, l’argent collecté sera affecté à leurs dépenses courantes et à la poursuite de leurs études.