C’est ce que l’on appelle un « phéméglo » : un phénomène médiatique global*. Depuis sa sortie américaine le 6 juillet, le jeu vidéo pour smartphones de Niantic et la Pokémon Company donne lieu chaque jour à quantité de nouvelles, hommages ou tentatives de récupération, tantôt significatifs, anecdotiques, opportunistes, désespérants, ou juste drôles. Au point de pouvoir remplir tout un journal. Florilège.

* En réalité, personne dans le métier n’a jamais parlé de « phéméglo ». Mais il fallait bien commencer un jour.

INTERNATIONAL

  • Etats-Unis : Hillary Clinton à la chasse aux électeurs

Six jours. C’est le temps qu’il a fallu pour que le jeu phénomène de Niantic soit repris par l’un des deux candidats à la présidence des Etats-Unis. Dans un meeting, le 14 juillet, la démocrate Hillary Clinton s’est approprié la référence pour inviter les électeurs à se rendre aux urnes. « Je ne sais pas qui a créé Pokémon Go, mais je cherche un moyen de le transformer en Pokémon Allez voter », a-t-elle lancé à une audience hilare. Le comité démocrate de l’Ohio s’est lancé dans une tournée pour rencontrer les joueurs et les convaincre de voter. « Pokémon Go est perçu comme une excellente occasion de toucher la génération Y, qui ne s’est pas peut-être pas encore inscrite sur les listes électorales ou a soutenu Bernie durant la primaire, mais s’uniront derrière Hillary après son investiture », a expliqué le comité de campagne de la démocrate, dans un e-mail cité par The Enquirer.

  • Fatwa en Arabie saoudite

Accusé de faire la promotion du polythéisme, d’être un jeu d’argent ou encore de contenir des représentations picturales interdites, Pokémon Go a été, le 20 juillet, déclaré « haram » (interdit) par la plus grande autorité religieuse saoudienne, relate ArabNews. Une précédente fatwa de 2001, la numéro 21 758, portant sur les premiers jeux Pokémon, a pour l’occasion été mise à jour.

  • Bosnie : alerte aux mines

L’association régionale Posavina bez mina (« Posavina sans les mines ») s’est inquiétée le 19 juillet sur sa page Facebook que « des utilisateurs de Pokémon Go s’engagent dans les zones à risques pour attraper des Pokémon ». L’organisation les enjoint à s’éloigner des champs de mines, hérités de la guerre de 1992-1995.

POLITIQUE

  • Le Front national chasse sur les terres du jeu vidéo

Florian Philippot avec Luigi, un des autres personnages de Nintendo. | Capture d'écran

Florian Philippot ne s’est pas affiché en train de jouer à Pokémon Go. Mais en pleine édition anniversaire pour les 20 ans de Pokémon, le vice-président du Front national, Florian Philippot, s’est glissé dans les allées de la plus grande convention de culture japonaise, la Japan Expo, au parc des expositions de Villepinte, pour s’y faire prendre en photo aux côtés d’un autre personnage Nintendo, Luigi. Le Front national voit dans la culture japonaise un levier pour séduire davantage les jeunes et tenter de se normaliser. Déjà en 2015, un élu frontiste avait utilisé une image détournée d’un jeu vidéo de boxe de Nintendo, Punch-Out !!, pour une affiche de campagne.

SOCIÉTÉ

  • Un lancement affecté par les crispations sécuritaires

Des CRS devant la plage de Saint-Malo. L’état d’urgence a été reconduit dans la nuit du 14 au 15 juillet. | DAMIEN MEYER / AFP

A la suite de l’attentat de Nice qui a coûté la vie à 84 personnes, la sortie de l’application, prévue le lendemain, a été repoussée en France « en signe de respect envers le peuple français en cette période de deuil national », selon les propos de la Pokémon Company. Le site spécialisé IGN France, premier à avoir fait le lien entre la tragédie de Nice et ce report, évoquait le risque de « provoquer des attroupements durant une période inappropriée ». A New York, un rassemblement spontané s’était constitué à Central Park, une situation jugée à risque en France. « Si un attroupement sauvage naît de l’apparition d’un Pokémon rare, il faudra que les agents de police à proximité évaluent les risques en termes de sécurité, et communiquent les éventuels besoins en renforts. Il faudra de la souplesse », explique une source policière au Monde.

ÉCO

  • Candy Crush Saga dépassé

En moins de deux semaines, Pokémon Go a pris la tête des classements des applications les plus téléchargées et les plus rentables, quel que soit le territoire, dépassant les records du titre de King, Candy Crush Saga. Selon le cabinet Slice Intelligence, Pokémon Go générait, le 12 juillet, plus de revenus que tous les autres jeux mobiles réunis. L’application est désormais plus utilisée que Twitter, a aussi calculé SimilarWeb. Et CNET estime à 15 millions le nombre d’utilisateurs quotidiens du jeu rien qu’aux Etats-Unis ; SurveyMonkey, à 21 millions.

  • Nintendo : spectaculaire bond en Bourse

L’action Nintendo a connu la progression la plus fulgurante de l’histoire de la Bourse japonaise, passant de 14 380 yens (122 euros) le 5 juillet, la veille de la sortie de Pokémon Go, à 27 780 yens (236 euros) le 19 juillet. Sa capitalisation a doublé en une semaine et dépasse désormais celle de Sony (38,3 milliards d’euros contre 34,8). Coactionnaire de The Pokémon Company à 33 %, Nintendo a investi 30 millions de dollars (27,2 millions d’euros) dans Niantic, le développeur du jeu, aux côtés de Google et de la Pokémon Company elle-même. Au Royaume-Uni, sur la seconde semaine de juillet, les jeux vidéo Pokémon, édités par Nintendo, ont vu leurs ventes bondir de plus de 238 % pour certains épisodes.

CULTURE

« Ils m’échappent, tous ces humains
Dont le regard est fixé à leurs mains

Un petit écran contrôle leurs yeux
L’électronique comme seul essieu

Je les vois tous déambuler, les foldingos
Là où les emmène
Pokémon Go

La mort du libre-arbitre les guette
Si seul Nintendo pilote la tête

Il est précieux de sortir sous l’astre solaire
Mais est-ce ça l’amusement sincère ?

Le meilleur moment, du moins à mon goût,
C’est quand ils chutent dans une bouche d’égout. »

Poème de Robert Turner, 14 juillet 2016, traduction W.A.

PLANETE

  • Des Smogo dans les lieux pollués

Smogo, le Pokémon à gaz odorants, apparaît dans les villes polluées. | Nintendo

Les Pokémon sont sensibles à leur environnement. Niantic, firme spécialisée dans la géolocalisation, a en effet programmé les créatures pour apparaître dans des lieux adaptés à leur personnalité, comme l’ont remarqué les joueurs depuis le lancement de l’application. « Beaucoup de Fantominus, des Pokémon fantômes, rôdent autour du cimetière du Père-Lachaise, explique ainsi Matthieu Castel, responsable du site Pokémon France, cité par Le Figaro. New York est infestée de Smogo, qui ont un penchant pour la pollution… » Il est, en revanche, difficile de trouver des créatures cachées en rase campagne, ont déploré de nombreux utilisateurs.

SPORT

  • Le « Pokéballing », nouvelle célébration de but

Finland's RoPS celebrate a goal by pretending to catch Pokemon
Durée : 00:21

Lors d’un match de Première Division finlandaise le 18 juillet, les joueurs du Rovaniemen Palloseura ont inauguré une nouvelle célébration inédite, après avoir marqué leur second but contre le FC Lahti (victoire 2-1). Les joueurs se sont alignés et, mimant un smartphone, ont reproduit le geste du doigt consistant à attraper un Pokémon avec une boule magique. Le clin d’œil était déjà apparu deux jours plus tôt : c’est dans une vidéo de Pokémon Go truquée que le club canadien des Vancouver Whitecaps a annoncé ses transferts, relate L’Equipe.fr.

PIXELS

  • Les serveurs de Niantic dans le viseur

Les serveurs de Niantic font face à des pannes massives récurrentes, comme encore le 22 juillet au Japon. En cause, l’afflux de joueurs, mais aussi des initiatives malveillantes. « Les serveurs ont déjà connu un certain nombre de problèmes liés au trafic, et leurs attaquants ont parfaitement conscience que l’entreprise ne peut pas se permettre d’avoir des serveurs en panne ou inactifs. Cela en fait une cible privilégiée pour des attaques DDoS », analyse David Emm, chercheur en sécurité chez l’expert en cybersécurité Kaspersky Lab. Plusieurs groupes de hackeurs ont d’ores et déjà revendiqué être à l’origine des pannes via des attaques de déni de service.

M LE MAG

  • Buvez-les tous

30 cl de vodka Sobieski Cytron, 30 cl de jus de citron, 30 cl de triple sec, de la boisson énergisante et du jus de fruit de la passion, ajoutez-y des glaçons, secouez et servez frais : félicitations, vous tenez un cocktail Pikachu. La recette fait partie des quatorze imaginées pour le Miami New Times par un chef du sud de la Floride, Sebastian Dominguez. Le site Liquor.com (réservé aux plus de 21 ans) en liste une douzaine, tandis que le Huffington Post propose une variante à base de purée de mangue et de campari. L’alcool et les articles sur Pokémon sont, bien sûr, à consommer avec modération.