Romain Bardet, 2e au classement général, avec le vainqueur du Tour 2016, Christopher Froome, dimanche 24 juillet, sur les Champs-Elysées, à Paris. | François Guillot/AFP

Il est possible en 2016 – comme dix ans auparavant, avec Floyd Landis, le vainqueur du Tour – d’avoir préparé trois poches de sang de 350 ml. Pour le départ, les Pyrénées et les Alpes, le tout confié à un ami. Puis de les récupérer, sitôt la ligne franchie, devant les caméras et le public massé derrière les barrières. Son pote le hélait pour un autographe et lui offrait un petit paquet cadeau de groupie. Dedans, le sang frais et le kit d’auto-injection. Floyd, au vu de tous, glissait le joli paquet dans la poche arrière de son maillot, sous les vivas. Pratique.

Il est possible en 2016 d’utiliser des hormones de croissances aux effets géniaux, des corticoïdes, 700 mg de caféine par jour et pléthore d’autres produits admis ou indétectables qui boostent les performances, en « suivant les règles », puisque contrôlé négatif.

Il est possible qu’un coureur comme Floyd se soit testé avant le Tour sur sept minutes à 513 watts dans une côte test ! Plus la pente est longue, plus la puissance produite faiblit, en théorie. Sur nos huit montagnes radars de vingt-huit minutes en moyenne, pour le Tour le plus dur depuis 1987, neuf coureurs ont dépassé la barre limite pour l’homme de 410 watts (soit une puissance moyenne de 416 watts).

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Froome à 419 watts, Bardet à 418, jusqu’à 412 pour Valverde… La moyenne, en temps, des cols radars est en général de trente-quatre minutes, mais il y en a rarement plus de quatre sur un Tour. Là, avec huit, on devait fatiguer. Seul Aru a connu une défaillance. Depuis la mise en place du passeport biologique en 2010, la tendance allait pourtant vers le bas. Rassurant. Seuls Wiggins, Froome, Quintana et Nibali avaient dépassé légèrement cette barre. Cette année, ils sont neuf ! Historique.

L’exploit du Tour au Bettex

Est-il possible qu’un coureur refuse ces méthodes et produits dopants – malgré la permissivité – et parvienne, à la force du mollet, à ce niveau d’excellence ? Bardet ? En 2014, à 23 ans, le Français finit 6e du Tour avec 399 watts aux radars. Encourageant. Le potentiel du Français est passé en deux ans de 6 watts/kg à 6,3 watts/kg pour des efforts de trente minutes. Sur le 7radar du Bettex, seul, il explose ses records avec 444 watts sur vingt-sept minutes trente secondes et l’emporte. L’exploit du Tour. Il s’est amélioré de 5 % en deux ans, passant de 399 à 418 watts de moyenne. C’est la plus forte progression d’un coureur dans cette Grande Boucle.

Rançon du succès, Bardet devient le coureur le plus suspect, puisque tout est possible. Depuis deux ans, il a intégré les entraînements en altitude, l’hypoxie. Il assure avoir mis fin à l’empirisme de son entourage. Il contrôle tout, jusqu’au moindre détail. C’est un méticuleux. Il assumera donc facilement, pour un esprit rationnel, son statut de dauphin, avec l’assurance et la sérénité de celui qui n’a rien à cacher. Il lui reste à manager quatre équipiers capables d’envoyer les watts autant que lui, comme ceux que possède Froome chez Sky. Bardet le cycliste mène de front des études en management. Lettré, il soigne son langage soutenu. Il doit connaître la sentence : à l’impossible, nul n’est tenu.