Le président turc Recep Tayyip Erdogan a eu, lundi 25 juillet, dans un rare geste d’unité, un entretien de près de trois heures avec deux responsables de l’opposition. « Tous les principaux partis sont prêts à commencer à travailler à une nouvelle Constitution », a assuré à l’issue de cette rencontre le premier ministre, Binali Yildirim.

Il y aura d’abord « un petit changement » constitutionnel. « Un travail est en cours à ce sujet », a-t-il ajouté en veillant à ne pas en dire davantage. La Constitution actuelle a déjà été élaborée après un coup d’Etat, en 1980.

Le dirigeant du Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kiliçdaroglu, qui avait jusqu’alors juré qu’il ne mettrait jamais les pieds au palais présidentiel, en est ressorti en se déclarant satisfait de cet « entretien positif [pour la] normalisation ». M. Erdogan avait aussi invité le chef du Parti de l’action nationaliste (MHP, droite), Devlet Bahceli. Le leader du Parti démocratique du peuple (HDP, prokurde), Selahattin Demirtas, n’avait pas été invité mais M. Yildirim a assuré que le HDP pourrait aussi prendre part aux discussions.

Le travail commencera alors pour élaborer une toute nouvelle Constitution, a-t-il expliqué, un des sujets les plus controversés de la politique turque ces derniers mois. L’AKP (Parti de la justice et du développement) du président Erdogan voudrait introduire un régime présidentiel, mais le premier ministre n’en a pas fait mention lundi soir.

Licenciements à Turkish Airlines

Ces discussions politiques se tiennent alors que la purge continue. Des mandats d’arrêt ont été émis par la justice turque à l’encontre de quarante-deux journalistes, lundi. Il s’agit du dernier épisode d’une chasse aux sorcières déclenchée contre les supposés partisans de Fethullah Gülen, prédicateur exilé aux Etats-Unis et accusé par Ankara d’avoir ourdi le putsch du 15 juillet – ce que l’intéressé nie. Sur les quarante-deux journalistes visés par des mandats d’arrêt, cinq ont déjà été arrêtés et onze auraient quitté le pays.

Lors d’une nouvelle descente de police, quarante suspects de l’académie militaire d’Istanbul ont aussi été arrêtés lundi, selon l’agence officielle Anatolie. Et trente et un universitaires ont été placés en garde à vue à l’issue de coups de filet dans des milieux supposés gülenistes d’Istanbul, a indiqué l’agence de presse Dogan.

La purge qui n’en finit plus s’est même étendue à la compagnie nationale Turkish Airlines. Le fleuron du transport aérien turc a annoncé le licenciement de 211 employés en raison de leurs liens allégués avec le mouvement de M. Gülen.

50 000 fonctionnaires suspendus ou limogés

Le chef d’état-major de l’armée, Hulusi Akar, qui avait été retenu en otage par les putschistes dans la soirée du 15 juillet, a assuré aux procureurs, lundi, que les conjurés lui avaient proposé de parler directement avec M. Gülen s’il se ralliait à eux.

Après dix jours de cavale, sept soldats suspectés d’avoir fait partie du commando ayant attaqué l’hôtel de Marmaris où se trouvait en vacances le président Erdogan au début du putsch ont été placés en garde à vue. Trois d’entre eux ont été capturés lors d’un contrôle routier, dans le cadre d’une vaste chasse à l’homme.

Depuis le putsch raté, plus de 13 000 personnes ont été placées en garde à vue, 5 800 en détention et près de 50 000 fonctionnaires ont été suspendus ou limogés.