Des partisans de Bernie Sanders lors de la convention démocrate, à Philadelphie, lundi 25 juillet. DARCY PADILLA/AGENCE VU POUR « LE MONDE » | DARCY PADILLA/AGENCE VU POUR "LE MONDE"

Le premier jour de la convention était censé mettre en scène le rassemblement de la famille démocrate. Il a débuté sur une singulière image de désunion avant de s’achever sur un air d’une doucereuse confraternité aux premières heures de la nuit. Devant un stade archicomble, les premiers orateurs, lundi 25 juillet au soir, à Philadelphie (Pennsylvanie), ont rapidement pris la mesure de la colère et du mécontentement des partisans de Bernie Sanders, candidat malheureux des primaires.

A chaque évocation du nom d’Hillary Clinton, ils ont été interrompus par un nombre important de délégués scandant bruyamment « Bernie, Bernie ! ». Les délégués soutenant l’ex-secrétaire d’Etat, qui s’apprête à devenir, jeudi, la candidate officielle du parti à la présidentielle, ont alors répondu en nombre avec leurs propres « Hillary ! ». La tension a été perceptible pendant de longs instants dans les travées, où l’on a pu voir un militant arracher une pancarte d’un pro-Sanders ou une autre se coller un ruban sur la bouche en signe de protestation contre celle qui représente, à ses yeux, une trahison des idéaux progressistes.

C’est dire si la venue du sénateur du Vermont était attendue. Invité à prononcer un discours en prime time, à peine quelques minutes après une intervention remarquée de l’épouse de l’actuel président, Michelle Obama, et d’un énergique discours de la sénatrice Elizabeth Warren prenant pour cible Donald Trump, le candidat républicain Bernie Sanders s’est rapidement posé comme symbole d’unité.

Processus de cicatrisation

Avant même sa montée sur scène, il avait envoyé des messages à ses supporteurs leur enjoignant de mettre un terme aux protestations. Plus tôt dans la journée, il a rappelé que son « travail, à ce jour, était de faire battre Donald Trump et de faire élire Hillary Clinton », dont il a rallié la candidature il y a à peine deux semaines.

Habillé de son traditionnel costume bleu foncé hors mode, le candidat, qui a remporté près de 13 millions de suffrages, n’a pas dévié. Comme s’il voulait poursuivre le délicat processus de cicatrisation qui avait suivi l’âpre bataille que s’étaient livrée les deux candidats démocrates, il a immédiatement dit comprendre « que beaucoup de gens ont été déçus par le résultat du vote ». « Mais personne n’a été aussi déçu que moi-même », a-t-il précisé.

« Nous avons commencé une révolution pour transformer les Etats-Unis »

Dès qu’il l’a pu, après de longues minutes d’applaudissements, il a livré un message que son camp attendait : « Nous avons commencé une révolution pour transformer les Etats-Unis, et cette révolution continue, pour plus de justice sociale, économique et raciale. »

Un message pour tous les démocrates : « Cette élection est le début de la fin de la perte du pouvoir d’achat que la classe moyenne subit depuis près de quarante ans. » Pour la direction du parti et de sa candidate : « Nous avons besoin d’un leadership, non pas d’une personne qui divise. Nous avons besoin d’une personne forte qui nous rassemble, non pas un meneur qui expulse les latinos, les musulmans et qui nous divise. C’est pour toutes ces idées qu’Hillary Clinton doit devenir la prochaine présidente des Etats-Unis. »

Bernie takes over three minutes just to quieten down the room, this is just a bit
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Bernie Sanders n’a pas évoqué l’affaire de la fuite de courriels interne, publiés vendredi, et qui révélaient une certaine partialité de la direction du parti au cours de la primaire démocrate. Il n’a pas non plus rappelé le coup de théâtre de la veille, quand Debbie Wasserman Schultz, présidente du comité national démocrate, a annoncé sa démission, ce qu’il avait pourtant lui-même réclamé à plusieurs reprises.

« Poursuivre cette révolution »

M. Sanders a insisté pour dire combien il avait contribué à faire de la plate-forme démocrate un des programmes les plus progressistes de l’histoire du parti. Il a insisté sur le nombre de fois que l’ancienne secrétaire d’Etat s’est rapprochée, par petites touches, de ses propositions, comme l’abandon du projet d’accord de partenariat transpacifique (TPP) et la suppression des frais de scolarité dans les universités publiques pour les étudiants les plus modestes.

« Il est de notoriété publique qu’Hillary et moi avons de nombreux sujets de désaccord, mais c’est précisément cela l’esprit de la démocratie. » Et puis ceci, sous une dernière salve d’applaudissements et quelques rares sifflets : « Elle fera une remarquable présidente et je suis fier d’être à ses côtés cette nuit. »

« Hillary doit continuer à changer son cap. Il lui reste une centaine de jours pour gagner mon vote »

Laura Mia, déléguée de Puerto Rico, pro-Sanders, secoue la tête. Elle ne votera pas pour la nomination d’Hillary, « candidate vendue au système ». La jeune femme reste en revanche silencieuse sur son choix pour l’élection de novembre. Délégué de Virginie, soutien indéfectible au sénateur du Vermont, Chris Furry glisse : « Hillary doit continuer à changer son cap et s’y tenir. Il lui reste une centaine de jours pour gagner mon vote. »

Pour Charles Chamberlain, du mouvement progressiste Democracy for America, « le but est de battre Trump, mais ce n’est pas le seul, il s’agit de poursuivre cette révolution et de gagner des élections locales et au Congrès ». A la question de savoir si les « sandernistas » auront le même enthousiasme pour soutenir Hillary que pour Sanders : « Non, tranche-t-il, mais nous ferons tout pour qu’elle batte Trump avec la même énergie. » Tout est dans la nuance.