Une messe en hommage au père Hamel, tué mardi à Saint-Etienne-du-Rouvray, s’est déroulée sous haute sécurité à Notre-Dame-de-Paris. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Elle est là, adossée à un mur, le regard dans le vague, à quelques mètres de la cathédrale Notre-Dame, à Paris, où la messe en hommage au prêtre tué dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray s’apprête à être célébrée, mercredi 27 juillet, sous haute surveillance. Cette jolie brune de 43 ans refuse de donner son nom. La voix est sourde, presque un murmure. Elle a « un peu honte », bredouille-t-elle. Et elle est « épuisée ». Par les attentats et l’atmosphère pesante qu’ils génèrent, mais surtout par le combat qu’elle mène contre elle-même « depuis des mois ».

La confession est douloureuse : « C’est horrible, je suis horrible… Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est de la faute des musulmans, ce qui arrive. Je ne peux pas m’empêcher d’être énervée quand je vois une femme voilée dans la rue, ni d’être effrayée quand je vois un arabe avec une longue barbe. Et pourtant, je sais qu’il ne faut pas faire d’amalgames, je sais que c’est idiot, je sais que c’est ce qu’ils veulent, nous diviser… » Catholique, elle est « pratiquante occasionnelle » et ne va à la messe qu’à Noël. « Mais là, j’ai besoin d’aide », dit-elle. Pour faire taire ses « plus mauvais instincts ». Elle est venue pour écouter à nouveau et « en vrai » l’appel à la « paix intérieure », comme elle dit, lancé par les représentants de l’Eglise catholique la veille, le jour même de l’attentat.

« Résister à cette exaspération haineuse »

La cathédrale Notre-Dame est bondée. Hervé Moreau, 40 ans, est rassuré : « Je voulais être certain qu’il y ait suffisamment de catholiques pour nous représenter autrement que comme des petites familles de quatre enfants habitant Neuilly et militant contre le mariage pour tous. » Aux premiers rangs, une longue liste de responsables politiques, dont le président François Hollande et le premier ministre Manuel Valls, assis sur le même banc que les anciens présidents Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d’Estaing. Comme une communion républicaine, une trêve dans la polémique qui oppose les politiques depuis l’attentat du 14 juillet à Nice.

L’archevêque de Paris réitère son message : « L’espérance a un projet : le projet de rassembler l’humanité en un seul peuple. (…) C’est cette espérance qui nous permet de ne pas succomber à la haine quand nous sommes pris dans la tourmente ».

C’est ce que Françoise Billon, 80 ans, elle aussi est venue entendre. « J’ai eu vraiment peur d’être submergée par la haine, confie-t-elle à voix basse, sans pouvoir empêcher ses larmes, alors que la messe est toujours en cours. Je viens chercher ici la force de résister à cette exaspération haineuse que je vois et que j’entends autour de moi. C’est plus facile de sombrer là-dedans plutôt que de prendre le temps de réfléchir. » Mais, lorsque le Cardinal André Vingt-trois parle de « pardonner à ses ennemis », certains s’agacent, comme Helena, « une senior parisienne », qui hausse les épaules en pestant : « Je ne veux pas entendre parler de ça ! »

Alors que le cardinal André Vingt-trois et François Hollande remontent l’allée centrale de la cathédrale vers la sortie, les fidèles applaudissent. Françoise Billon se sent « apaisée ». Et la femme brune, qui sort à son tour, esquisse un sourire : « Je vais y arriver, dit-elle. On va y arriver. »