Le maire de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), Hubert Wulfranc, le président de la République, François Hollande,  et le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, le 26 juillet. | JEAN PIERRE SAGEOT/SIGNATURES

Presque comme un automatisme, la mécanique des réactions politiques s’est enclenchée très rapidement après l’attentat meurtrier contre un prêtre, mardi 26 juillet, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). Plus rapidement encore qu’après l’attentat de Nice, le 14 juillet, la scène politique a repris ses droits, avec son lot de polémiques et d’instrumentalisations, faisant la démonstration de sa propre impuissance face au danger terroriste.

En s’exprimant solennellement depuis l’Elysée, mardi soir, François Hollande s’est à nouveau refusé à toute nouvelle disposition, notamment législative, et n’a pu que demander aux Français de continuer à « faire bloc » pour gagner « la guerre contre la haine et le fanatisme ». « Cette guerre sera longue. Ce qui est visé, c’est notre démocratie. Elle sera notre bouclier, c’est notre unité qui fait notre force », a déclaré le chef de l’Etat dans une courte allocution, estimant qu’« attaquer une église, tuer un prêtre, c’est profaner la République, qui garantit la liberté de conscience ».

« Le gouvernement applique et appliquera avec la plus extrême fermeté les lois » déjà existantes, a répété le président avant de poursuivre en direction de l’opposition, qui lui reproche d’être frileux en matière de libertés publiques : « Restreindre nos libertés, déroger à nos règles constitutionnelles n’apporterait pas d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme et affaiblirait la cohésion si précieuse de notre nation. Notre pays doit éviter les surenchères, les polémiques, les amalgames, les suspicions. »

« Piège de la division »

Pour autant, à peine l’allocution terminée, le député et président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti (Les Républicains), s’est empressé de critiquer sur Twitter un « discours ahurissant de naïveté » d’un président qui « a démontré avec un médiocre discours répétitif qu’il n’était définitivement pas à la hauteur ».

Qu’importe les appels à éviter « le piège de la division, de la haine, de la querelle entre nous », comme l’a dit, entre autres, Didier Guillaume, président du groupe PS au Sénat, certains à droite ne les entendent plus. « L’intervention du président fait mal. En quelques mots, il réussit à dire que c’est épouvantable mais que ce que fait le gouvernement est formidable », a à son tour blâmé Marc Laffineur (LR, Maine-et-Loire) sur son compte Twitter, quand son collègue Alain Gest (Somme) a déploré l’« autisme irresponsable » du chef de l’Etat.

L’Assemblée est fermée pour l’été, c’est donc principalement sur les réseaux sociaux que se sont déversées les réactions mardi, comme un ersatz de salle des Quatre-Colonnes, où se rencontrent habituellement journalistes et élus. Sans surprise, Eric Ciotti a donc été l’un des plus actifs, avec une quinzaine de messages publiés à propos de l’attentat dans la journée. Quelques-uns de « soutien » et de « solidarité », et surtout des salves de tweets pour mettre en avant ses propositions : assignation à résidence des individus fichés S, expulsion immédiate de tous les étrangers « radicalisés », interruption « totale » des flux migratoires « provenant des zones à risques »

Le député des Alpes-Maritimes demande même « la convocation du Parlement pour voter la rétention administrative et de sûreté refusées par le gouvernement » – soit une rétention « dans des centres ou à résidence 24 heures sur 24 pour les individus radicalisés non encore passés à l’acte et ne pouvant être expulsés ».

Dans l’opposition, quelques-uns sont toutefois restés sur la réserve, comme le député de l’Eure Bruno Le Maire ou le maire de Bordeaux, Alain Juppé, tous deux candidats à la primaire de la droite. Président de l’Union des démocrates et indépendants, Jean-Christophe Lagarde a lui aussi mis en garde contre la « stratégie de la peur » de l’organisation Etat islamique. « Cet ennemi sait pertinemment qu’il n’a pas les moyens de nous affronter et de l’emporter. Alors sa seule chance, sa seule véritable stratégie c’est que nous nous affrontions nous-mêmes », a écrit le député de Seine-Saint-Denis dans une tribune publiée sur le site du Huffington Post.

« Libanisation de la société »

Au milieu de tout cela, la présidente du Front national, Marine Le Pen, discrète dans les médias, s’est contentée d’envoyer un communiqué de presse plutôt sobre. Sans réclamer de nouvelles mesures, l’eurodéputée va jusqu’à s’y poser en défenseure des libertés publiques et de la cohésion nationale, estimant que « la réponse est politique et [que] la préservation de l’Etat de droit, indispensable, et sur laquelle nous ne transigerons pas, passe d’abord par l’application des lois et des peines ».

Sa nièce, en revanche, Marion Maréchal-Le Pen, a multiplié les interventions dans les médias pour exhorter à une forme de nouvelles croisades. « En Occident comme en Orient, les chrétiens doivent se lever pour résister à l’islamisme », a lancé la députée du Vaucluse pour qui « la question n’est pas uniquement sécuritaire, mais aussi identitaire ». Une ligne partagée par d’autres à droite, comme le président du Parti chrétien-démocrate et député des Yvelines, Jean-Frédéric Poisson, qui évoque une « libanisation de la société française ». « Le gouvernement, dont les spots “Tous unis contre la haine” n’ont jamais parlé des chrétiens, va t-il reconnaître la christianophobie ? », a-t-il questionné mardi.

Au sein même des Républicains, d’autres s’inquiètent également de ce sujet, comme le maire LR de Tourcoing (Nord) et ex-député Gérald Darmanin, qui parle de « guerre civile religieuse qui commence sous nos yeux ».