Une projection réalisée par EDF du projet d’EPR d’Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre. | HO / AFP

Le projet Hinkley Point provoque une nouvelle secousse chez EDF. Hostile à la construction par le groupe de deux réacteurs nucléaires de nouvelle génération en Grande-Bretagne, Gérard Magnin, un des membres du conseil d’administration, claque la porte. Il a présenté sa démission au PDG, Jean-Bernard Lévy, jeudi 28 juillet au matin, quelques heures avant le la réunion du conseil pour valider définitivement cet investissement évalué à 18 milliards de livres, soit près de 22 milliards d’euros.

Ancien délégué régional de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), fondateur du réseau de villes européennes en transition énergétique Energy Cities, Gérard Magnin était entré au conseil d’EDF en novembre 2014, sur proposition de l’Etat actionnaire.

Une deuxième spectaculaire démission

Il s’agit de la deuxième démission spectaculaire liée à Hinkley Point, après celle du directeur financier Thomas Piquemal, parti en mars car il ne cautionnait pas un engagement jugé beaucoup trop risqué. Le grand argentier d’EDF contestait en effet « une décision susceptible, en cas de problème, d’amener EDF dans une situation proche de celle d’Areva », celle d’une grande entreprise publique menacée d’un dépôt de bilan, selon les explications fournies ensuite aux députés.

Ardent défenseur de la transition énergétique, Gérard Magnin s’est senti lui aussi en porte-à-faux ces derniers mois. Il explique dans la lettre de démission qu’il a choisi de rendre publique :

« J’avais imaginé que la période de mutation profonde des systèmes énergétiques partout dans le monde serait propice à une réorientation historique de la stratégie d’EDF vers une transition énergétique que la loi devait accélérer dans notre pays. »

Mais au lieu de cette réorientation, il a constaté qu’EDF jouait plus que jamais la carte du nucléaire :

« Depuis les décisions imminentes relatives au projet très risqué d’Hinkley Point à la reprise d’Areva NP qui fera d’EDF un fabricant de réacteurs, de la poursuite sans questionnement de la coûteuse stratégie de retraitement des déchets à l’affirmation que tous les réacteurs du palier de 900 MW verraient leur durée de vie prolongée à 50 ans ou plus, tout semble aller dans le même sens, souligne le désormais ex-administrateur. Sans parler, par exemple, de la décision d’achever au début du XXIIsiècle seulement le démantèlement de réacteurs arrêtés depuis déjà trente années, sujet qui questionne notre éthique. »

« Une stratégie que je ne partage pas »

« Je n’ignore pas que cette stratégie, par-­delà quelques escarmouches, a les faveurs de l’Etat, au risque de brouiller les messages portés par une loi qu’il avait pourtant initiée et qui avait suscité beaucoup d’espoirs, poursuit M. Magnin dans son courrier. Etant administrateur proposé par l’Etat actionnaire, je ne souhaite pas cautionner plus longtemps une stratégie que je ne partage pas. »

Avec la démission de M. Magnin, l’une des rares voix discordantes au sein du conseil d’EDF, le feu vert au projet Hinkley Point ne fait plus grand doute. Malgré l’opposition des six administrateurs salariés, une majorité claire devrait se dégager en faveur de cet investissement. La décision sera annoncée à l’issue du conseil.