Manifestation en mémoire d’Adama Traoré bloquée devant la gare du Nord à Paris le 30 juillet. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Un cordon de CRS a bloqué le cortège qui venait juste de se mettre en marche devant la gare du Nord à Paris. Près de 600 personnes étaient présentes ce samedi 30 juillet pour réclamer la « vérité » sur les circonstances de la mort d’Adama Traoré, 24 ans, mort onze jours plus tôt, après son interpellation par la police à Beaumont-sur-Oise.

L’avocat de la famille, Yassine Bouzrou, a révélé vendredi que, dans les deux rapports d’autopsie qu’il a pu consulter, « l’asphyxie » était présentée comme la cause de la mort. Un élément qui n’avait pas été relevé par le procureur de la République de Pontoise, Yves Jannier.

« On veut comprendre ce qu’il s’est réellement passé », réclamait Najwa, habitante de Nanterre venue manifester. Plusieurs associations luttant contre les violences policières et les discriminations étaient également présentes. Personne n’a cependant pu défiler.

La préfecture de police de Paris s’y est opposée pour « des raisons tenant à la protection des institutions », « à la préservation de l’ordre public » et pour assurer « la propre sécurité des manifestants », a-t-elle justifié dans un communiqué. Elle a argué que la manifestation n’avait pas été déclarée, alors que les organisateurs affirmaient avoir déposé une déclaration 24 heures avant.

« La crainte de la famille, c’est que la mort d’Adama tombe dans l’oubli »

DOMINIQUE FAGET / AFP

Nassés rue Saint-Quentin, les manifestants ont respecté les appels au calme répétés de la famille de la victime. Une minute de silence, poings levés, a été observée. « Aujourd’hui on ne marche pas, mais on a gagné », s’est félicité Assa Traoré, sœur d’Adama, en remerciant les participants. La mort du jeune homme avait provoqué des nuits de violences dans le Val-d’Oise.

Dans la foule statique présente devant la gare du Nord, les zones d’ombre de l’enquête laissent un goût amer. « Le procureur nous a parlé d’une cause cardiaque, il a omis de dire qu’il y avait eu asphyxie, c’est une faute grave », juge Assa Traoré.

« On est là pour poser deux questions essentielles », détaillait Ghyslain Vedeux, chargé des relations entre la police et la société civile au sein du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) :

« Pourquoi le procureur a omis de parler de l’asphyxie ? Et qui a causé l’asphyxie ? Après, on attendra des sanctions administratives et pénales. (…) La crainte de la famille, c’est que la mort d’Adama tombe dans l’oubli. »

« Le procureur a joué sur les mots »

Assa Traoré, la soeur d’Adama Traoré, à Paris le 30 juillet. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Pour l’avocat Yassine Bouzrou, « le procureur a joué sur les mots » en évoquant d’abord des hypothèses de causes cardiaques puis infectieuses. « On ne sait pas ce qui a conduit à l’asphyxie, mais la cause de la mort, c’est l’asphyxie », assure-t-il aux vues des rapports d’autopsie.

Les résultats de nouvelles analyses (bactériologie, toxicologie, anatomopathologie), attendus dans le courant du mois d’août devraient permettre d’établir définitivement si le jeune homme était en bonne santé, comme l’affirme sa famille. Une enquête de l’Inspection générale de la gendarmerie est également en cours. Parmi ses revendications, le CRAN souhaiterait que des membres de la société civile puissent participer à ces commissions d’enquêtes.

En s’adressant à la foule, Assa Traoré a lancé :

« C’est mon frère qui est mort, demain ça peut être votre frère, votre oncle, votre mère. »

Une volonté de faire de cette histoire individuelle tragique une illustration des dysfonctionnements de la société. Elle a été aidée en cela par le New York Times, qui a choisi de consacrer son éditorial à la mort d’Adama Traoré, faisant le parallèle entre le cas français et le mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis.

Youssouf, membre du collectif Ferguson in Paris, du nom de la ville américaine où un jeune Noir a été tué par la police en août 2014, était présent à la manifestation qui n’en fût pas une à Paris. A son avis :

« Les contextes ne sont pas les mêmes, mais les moyens de pression sont les mêmes. Ce sont des gens à qui jamais on ne rend justice. »