Invité de la matinale de France Inter, ce 1er août, le député de l’Essonne Julien Dray s’en est pris aux réseaux sociaux, qu’il accuse de ne pas suffisamment collaborer avec les services de renseignement dans la lutte contre l’organisation Etat islamique (EI). Mais en exagérant largement la situation.

Ce qu’il a dit :

« Internet est un élément essentiel de recrutement, et nous avons un problème d’ailleurs avec l’ensemble de ce qui se passe sur les réseaux sociaux, puisque, par exemple, Facebook ne donne pas accès à la messagerie privée. Or, c’est dans la messagerie privée que souvent les contacts s’établissent et qu’il y a un maillage. »

Ce qui est vrai :

Les groupes terroristes, dont l’EI, utilisent effectivement Internet pour leur recrutement et leur coordination. Les deux auteurs de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray ont mis au point leur projet en passant par une application de messagerie, Telegram, comme le révèle l’enquête en cours. Les recruteurs de l’EI utilisent également Facebook pour repérer et entrer en contact avec des sympathisants de leur cause.

Ce qui est faux :

Julien Dray grossit le trait lorsqu’il affirme que « Facebook ne donne pas accès à la messagerie privée ». Le réseau social peut en réalité fournir tout type d’informations, y compris issues de la messagerie privée.

En pratique, le réseau social, comme ses concurrents, peut donner accès au contenu des messageries, mais sur réquisition judiciaire, et non sur simple demande de la police – une procédure standard en droit, en France comme aux Etats-Unis. Il s’agit d’un garde-fou juridique très classique de protection de la vie privée, qui est aussi celui appliqué par les opérateurs téléphoniques et toutes les entreprises détenant des données.

Dans certains cas exceptionnels, notamment en matière de terrorisme, Facebook a dit à plusieurs reprises qu’il collaborerait pleinement, et dans des délais très réduits, avec les enquêteurs, sans dire dans le détail quelles informations il fournirait.

En France, par exemple, après des échanges houleux entre le ministère de l’intérieur et Facebook début 2015, les deux parties affirment désormais que la collaboration se déroule au mieux.

M. Dray exagère aussi largement le rôle joué par la messagerie privée de Facebook dans les processus de communication des djihadistes. Dans la vaste majorité des cas, les enquêtes ont montré que les recruteurs approchent d’éventuels sympathisants sur les réseaux sociaux, mais changent de moyen de communication une fois le contact établi.

Abdel-Malik Petitjean et Adel Kermiche échangeaient sur Telegram ; Mohamed Lahouaiej Bouhlel, l’auteur de l’attentat de Nice, échangeait par SMS avec des complices présumés. Et Mourad Fares, le recruteur de la filière dite « de Strasbourg », rencontrait les jeunes gens qu’il avait approchés sur Facebook dans des cafés et des restaurants.