Des soldats des forces pro-Bachar Al-Assad, à Alep, le 28  juillet. | GEORGE OURFALIAN/AFP

Est-ce l’offensive de la dernière chance pour les combattants rebelles et les 200 000 à 300 000 civils assiégés dans l’est d’Alep par les forces pro-Bachar Al-Assad ? Pour tenter de briser le siège, des groupes insurgés ont lancé, dimanche 31 juillet, une contre-attaque depuis le sud de la ville syrienne. Une quinzaine de factions prend part à ces violents combats, mais ce sont principalement des groupes islamistes, comme les salafistes d’Ahrar Al-Cham et les djihadistes du Front Fateh Al-Cham (le nouveau nom du Front Al-Nosra, qui a officiellement rompu avec Al-Qaida, pour des raisons plus stratégiques qu’idéologiques) qui sont à la manœuvre.

Alors que l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, espère réunir toutes les parties au conflit à Genève fin août pour relancer le processus de négociation, le régime syrien, avec le soutien des forces russes, encercle depuis mi-juillet les quartiers insurgés de l’est d’Alep, qui lui échappent depuis l’été 2012. Damas espère ainsi entamer la reconquête de la ville avant la reprise des négociations.

Alors que les quartiers rebelles d’Alep sont fragilisés par la perte, mi-juillet, de la route dite du Castello, leur dernière ligne de ravitaillement avec la Turquie, c’est depuis la bande qu’ils tiennent au sud et au sud-ouest de la ville que les combattants anti-Assad tentent de percer le siège gouvernemental. Des hommes du Front Fateh Al-Cham ont mené deux attaques à la voiture piégée à partir de la banlieue de Rachidine contre des positions du régime. Des affrontements avaient aussi lieu dimanche soir au sud d’Alep, où les insurgés veulent s’emparer de la banlieue de Ramoussah. D’autres violences se déroulaient aux abords de Cheikh Maksoud, un quartier du nord d’Alep tenu par les forces kurdes, qui agissent de concert avec l’armée gouvernementale.

Les frappes aériennes se sont succédé dimanche. La photographie d’enfants d’Alep-Est brûlant des pneus afin de brouiller la visibilité des avions de chasse prorégime était abondamment relayée par les militants de l’opposition sur les réseaux sociaux. L’armée syrienne peut compter, pour sa part, sur l’appui de combattants iraniens, dont le nombre a été renforcé, et des hommes du Hezbollah libanais pour repousser l’offensive. Des milices syriennes inspirées du modèle de la milice chiite libanaise, comme le Liwa Al-Bakir, lui prêtent aussi main-forte dans les faubourgs sud d’Alep.

« Couloirs de la mort »

Selon les Nations unies, le stock d’aliments de base pourrait être épuisé d’ici trois semaines. Les civils sont pressés par le gouvernement syrien et son allié russe de quitter leurs quartiers en ruines. Damas et Moscou affirment avoir ouvert des corridors humanitaires pour permettre le départ des habitants et la reddition des combattants en échange d’une amnistie. L’utilisation de ces corridors est entourée d’informations contradictoires. Le décompte fait par la Russie, s’il était confirmé, montre des résultats limités : samedi, un porte-parole affirmait que 169 civils avaient quitté la ville, et que 69 combattants s’étaient rendus.

L’opposition dénonce des « couloirs de la mort ». Les Nations unies ont demandé de pouvoir « superviser » ces corridors humanitaires alors que Paris, comme Washington, y voient une manœuvre du régime soulignant, comme l’a affirmé le ministère français des affaires étrangères, que « les habitants d’Alep doivent pouvoir rester chez eux en sécurité et bénéficier de toute l’aide dont ils ont besoin ».

L’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, n’en poursuit pas moins ses efforts. Son adjoint, Ramzy Ezzeldin Ramzy, a rencontré dimanche à Damas le chef de la diplomatie du régime, Walid Al-Mouallem. Ce dernier s’est dit « prêt à reprendre ces pourparlers sans conditions préalables et dans un cadre intersyrien sans ingérence étrangère ». Mais nul ne se fait d’illusions. « Il serait absurde d’imaginer un quelconque accord pour une reprise des discussions si Alep reste assiégée avec 300 000 personnes prises au piège » rappelle-t-on à Paris.

« Intransigeance persistante du régime d’Assad »

Le ministre des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, a, dans une lettre à l’Américain John Kerry et au Russe Sergueï Lavrov, exhorté ses homologues « à donner la preuve du sérieux de leur engagement » pour une solution politique en Syrie. « Les prochaines semaines offrent à la communauté internationale une dernière chance de prouver la crédibilité et l’efficacité du processus politique lancé il y a près d’un an à Vienne », a insisté le chef de la diplomatie française.

Le sort du président syrien, Bachar Al-Assad, reste la principale pierre d’achoppement du processus de paix

Washington et Moscou coprésident le Groupe international de soutien à la Syrie (GISS) qui rassemble une vingtaine de pays et avait esquissé en novembre 2015 une feuille de route pour une solution politique, reprise par l’ONU dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité. Celle-ci prévoyait notamment la mise en place d’un organisme de transition – qui aurait dû intervenir le 1er août –, une nouvelle Constitution et des élections d’ici à la fin de 2017.

Le sort du président syrien, Bachar Al-Assad, reste la principale pierre d’achoppement de ce processus. L’opposition, soutenue par des puissances occidentales et régionales comme l’Arabie saoudite et la Turquie, réclame son départ, tandis que Damas, appuyé par la Russie et l’Iran, le refuse catégoriquement. « Au plan politique, les négociations de Genève ont achoppé sur l’intransigeance persistante du régime alors que l’opposition a fait (…) des propositions constructives », rappelle Jean-Marc Ayrault dans sa lettre.

En février, le GISS avait arraché un accord de cessation des hostilités en Syrie, qui a rapidement volé en éclats. Après deux sessions de discussions, l’opposition a quitté les discussions de Genève en avril pour protester contre les bombardements visant les populations civiles et l’utilisation par le régime de l’arme de la faim dans les zones assiégées. Il est hors de question pour elle d’y revenir sans de réelles avancées sur ces points.

Le Monde.fr