Si vous êtes marié, pacsé ou concubin d’un exploitant agricole, et que vous travaillez régulièrement sur l’exploitation, la loi vous impose depuis 2006 de choisir un statut pour bénéficier d’une protection sociale. | IROZ GAIZKA / AFP

Argent, famille, immobilier… Toutes les semaines, nous analysons les derniers arrêts de la Cour de cassation et leurs conséquences.

De 1993 à 2004, Nadège Y. vivait et travaillait dans la ferme de la famille de son concubin, dans un village du Nord. Sans être rémunérée. Quand le couple a rompu, elle a demandé 792 000 euros d’indemnisation pour son activité, accusant son ancien compagnon d’« enrichissement sans cause ». En vain : elle sera déboutée, en première instance, en appel, et finalement, le 10 février dernier, en cassation.

L’« enrichissement sans cause » est une action permettant à une personne de se retourner contre quelqu’un qui s’est enrichi à ses dépens si cet enrichissement n’était pas justifié. C’est-à-dire quand celui qui s’est retrouvé appauvri n’a pas bénéficié de contrepartie. Dans le cas de Nadège Y., les juges ont expliqué que si elle avait bien contribué à l’activité de la ferme, et que la tâche était effectivement ardue, il n’avait pas été établi que son travail eût excédé « l’obligation naturelle de participation aux charges de ménage qu’implique une vie de couple ».

L’ancien concubin avait travaillé autant qu’elle

Ils ont pris en compte le fait que Fabrice X., l’ancien concubin, avait travaillé autant qu’elle, et qu’aucun remplaçant n’avait été embauché à son départ.

« Cet arrêt m’interpelle car il nous parle du concubinage comme du mariage », analyse Me Anthony Bem, avocat au barreau de Paris. Rappelons que le concubinage, contrairement au mariage, n’implique pas d’obligation légale de contribution aux charges du ménage. « Et vu sa formulation très générale, l’arrêt est voué à marquer un principe pour la suite, à faire jurisprudence. »

« Les juges laissent la porte ouverte à l’interprétation suivante : dès lors qu’il y a ménage, même pour de simples concubins, il n’est pas anormal de travailler gratuitement pour l’autre. C’est étonnant. » D’autant que si la justice demande ici aux concubins de faire l’impasse sur le fruit de leur travail, poursuit-il, elle accueille parfois favorablement l’action d’enrichissement sans cause quand un concubin a financé des travaux importants dans le logement de l’autre sans bénéficier d’une contrepartie (un hébergement gratuit, par exemple).

Sachez enfin que si vous êtes marié, pacsé ou concubin d’un exploitant agricole, et que vous travaillez régulièrement sur l’exploitation, la loi vous impose depuis 2006 de choisir un statut pour bénéficier d’une protection sociale. Si vous n’êtes ni associé ni rémunéré, ce sera celui de « conjoint collaborateur ».

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