Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, dans sa résidence officielle, à Tokyo, mercredi 3 août. | KAZUHIRO NOGI / AFP

En quête d’un nouvel élan pour les abenomics, le gouvernement japonais multiplie les effets d’annonce qui peinent à convaincre. Ainsi du nouveau plan de relance, dévoilé mardi 2 août. A 28 100 milliards de yens (252 milliards d’euros), son montant peut sembler impressionnant. Il l’est beaucoup moins dans le détail : seuls 4 600 milliards de yens feront l’objet d’une rallonge budgétaire d’ici fin mars 2017. Et le total des dépenses du gouvernement et des collectivités locales ne dépassera pas 7 500 milliards de yens.

« Le mot-clé est l’investissement dans l’avenir », a souligné le premier ministre, Shinzo Abe. Six mille milliards de yens de crédits seront débloqués pour financer des projets d’infrastructures touristiques ou agricoles, voire les travaux du train à sustentation magnétique Maglev, ou encore la reconstruction des zones sinistrées par les catastrophes de 2011 et de 2016. Le gouvernement veut, par ailleurs, améliorer les conditions de travail des personnels des crèches et les aides aux personnes âgées.

Le projet sera présenté au Parlement en septembre. Il intervient alors que la troisième économie du monde souffre d’une consommation en berne, de l’appréciation du yen depuis le début de l’année – ce qui nuit à ses exportations –, du ralentissement chinois et des conséquences du Brexit. Pour dynamiser rapidement la croissance, il est prévu de distribuer en liquide 15 000 yens, l’équivalent de 135 euros, aux 22 millions de Japonais les plus modestes.

Certaines limites pourraient être atteintes

Ses annonces ont suscité des réactions mitigées. Depuis 1993, pas une année ne s’est passée sans plan de relance. Or, sur la même période, le Japon a connu six récessions, la déflation et l’explosion de sa dette qui dépasse aujourd’hui les 240 % du PIB.

Depuis 1993, pas une année ne s’est passée sans plan de relance

Le gouvernement est souvent critiqué pour avoir beaucoup dépensé sans effet durable. « Nous avons plutôt besoin d’une amélioration de la productivité pour augmenter le potentiel de croissance », estime Hideo Hayakawa, ancien responsable de la Banque du Japon (BoJ). A l’inverse, Shunsuke Kobayashi, de l’institut de recherche Daiwa, note qu’à la différence des plans précédents, celui-ci « se focalise plus sur une stratégie de croissance à long terme ».

Le plan intervient alors que la politique monétaire inquiète. La modestie des mesures d’assouplissement supplémentaire décidées le 29 juillet par la BoJ et la promesse de revoir l’efficacité des décisions prises laissent penser que certaines limites sont atteintes.

Dans la soirée du 2 août, le gouverneur de la banque centrale, Haruhiko Kuroda, a rencontré le ministre chargé des finances, Taro Aso. L’entretien avait pour but de souligner la coordination du gouvernement et de la BoJ en matière de relance. Il était censé rappeler une rencontre similaire organisée en 2013 et qui avait marqué le lancement officiel des abenomics, ce triptyque mêlant relance budgétaire, assouplissement monétaire et réformes structurelles, la « marque » du gouvernement Abe.

La banque centrale sur la réserve

Cette fois, la BoJ est apparue sur la réserve. La rencontre n’a pas dissipé les craintes de la banque centrale de voir le gouvernement lui demander de monétiser la dette du pays (dans ce cas, l’Etat fait directement imprimer de la monnaie pour ses besoins financiers). M. Kuroda a déjà rappelé qu’une telle politique serait contraire à la loi.

Le FMI plaide pour des réformes structurelles visant à améliorer la productivité et le potentiel de croissance

Ces débats interviennent alors que le Fonds monétaire international a rendu public, mardi 2 août, son rapport annuel sur le Japon. L’organisme, qui prévoit une croissance de seulement 0,3 % en 2016, continue de plaider pour des réformes structurelles visant à améliorer la productivité et le potentiel de croissance (augmentation des salaires, réduction des inégalités du marché du travail, etc.). Le Fonds souligne également l’importance de « mettre en place un plan crédible de consolidation budgétaire » pour faire baisser l’endettement du pays.