L’athlète jamaïcain Usain Bolt fait mine de prendre en photo les photographes lors des championnats du monde d’athlétisme 2015 à Pekin. | PHIL NOBLE / REUTERS

A l’occasion des Jeux olympiques de Rio qui débutent dans quelques heures, des milliers de vidéos et photographies s’apprêtent à être déversées sur la toile… en parfaite illégalité. Le Comité international olympique (CIO) restreint pourtant considérablement l’utilisation des images des Jeux, et ne se prive d’aucun recours juridique pour les faire respecter. Tour d’horizon de ce qui est autorisé et ne l’est pas.

  • Pourquoi est-il illégal de diffuser des images et des vidéos des Jeux olympiques ?

Tout d’abord, la charte olympique, mise en place par l’organisateur de la compétition, lui réserve « la propriété exclusive de tous les droits » qui s’y rapportent, en particulier l’exploitation commerciale. Un point de règlement vital pour le CIO, dont la moitié des ressources est issue de la vente des droits télévisés à des diffuseurs du monde entier. La charte est parfaitement légale puisque l’article L331-1 du code du sport en France confère un monopole d’exploitation aux organisateurs d’événements sportifs.

  • Mais alors, si c’est illégal, pourquoi des sites de streaming sont-ils toujours en ligne ?

Les sites de streaming sportif illégaux ont déjà été nombreux à proposer les rencontres du tournoi olympique de football qui a démarré mercredi 3 août pour les femmes, et jeudi pour les hommes, avec parfois le discret logo des Jeux de Rio à côté des liens proposés aux internautes. Il est très difficile pour les organisateurs de les faire fermer car leurs administrateurs peuvent facilement créer des sites miroirs, et parce qu’ils fédèrent autour d’eux toute une communauté très active.

Pour autant, un tribunal français a récemment condamné les propriétaires du site Roja Directa, qui diffuse des rencontres de football en streaming, à 100 000 euros de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral. Des décisions similaires ont été prises au Royaume-Uni. Cependant, la dissuasion par la sanction financière n’a pas encore porté ses fruits.

  • Qu’est-ce que je risque si je consulte des sites de streaming sportif illégaux ?

« L’internaute qui consulte du streaming peut en théorie être la cible d’une action en justice si l’organisateur considère qu’il lui cause un préjudice. Mais il est difficile d’identifier les personnes qui se rendent sur ces sites, de prouver qu’ils en connaissaient l’illégalité et de chiffrer le préjudice », indique Tatiana Vassine, avocate spécialisée en droit du sport.

Dans les faits, l’organisateur va adopter une stratégie en fonction d’un calcul « coût-avantage » favorable aux particuliers. « Il y a de grandes chances pour que l’individu qui diffuse une photographie ne soit pas inquiété, ça participe à la bonne visibilité de l’événement. L’organisateur sera beaucoup plus attentif aux sociétés pratiquant le parasitisme, en tentant d’obtenir de la publicité sans être un annonceur officiel », note Franck Nicolleau, avocat à Paris.

  • Diffuser des compétitions sportives, est-ce la même chose que de diffuser des films ou disques piratés ?

Pas exactement. L’internaute qui diffuse un film, une série ou une œuvre musicale sur le Net commet un délit de contrefaçon de droit d’auteur, et encourt une peine de trois ans de prison et 300 000 euros d’amendes. Celui qui consulte les œuvres piratées se rend coupable d’un recel de délit.

Mais ce n’est pas le cas pour les rencontres sportives depuis une décision de la Cour de jJustice de l’Union européenne (CJUE) rendue en octobre 2011, après une plainte de la ligue de football professionnel britannique, la Premier League. « Les détenteurs des droits de retransmission des compétitions sportives sont dans une position particulière puisqu’ils ne peuvent agir en contrefaçon », explique Me Vassine. En effet, le juge européen estime que « les rencontres sportives ne sauraient être considérées comme des créations intellectuelles qualifiables d’œuvres au sens de la directive sur le droit d’auteur » – pour la Cour, l’existence de règles de jeu entrait en contradiction avec la liberté créative nécessaire à la conception d’une œuvre. Ce qui n’empêche pas les fédérations sportives d’attaquer en justice, au civil, pour demander des dommages et intérêts.

En revanche, la Premier League pouvait « faire valoir le droit d’auteur sur diverses œuvres contenues dans ces émissions radiodiffusées, à savoir, notamment, sur la séquence vidéo d’ouverture, sur l’hymne de la Premier League, sur des films préenregistrés montrant les moments les plus marquants des rencontres récentes ou sur divers graphismes. »

  • Est-ce que les sites de streaming qui apparaissent en haut des résultats dans les moteurs de recherche sont légaux ?

Probablement. Google rechigne en général à désindexer des sites ou à en promouvoir « manuellement » dans ses résultats de recherche, mais le géant du Net va mettre en avant les services de streaming des diffuseurs officiels de la compétition comme France Télévisions dans ses premières pages de résultats. Le moteur de recherche va également suggérer des vidéos résumant les exploits réalisés chaque jour de la compétition.

  • Je regarde les JO dans un bar qui a souscrit un abonnement dans un autre pays de l’Union européenne pour payer moins cher. C’est illégal ?

Non. Dans la décision de la CJUE, la ligue de football professionnelle anglaise estimait que des patrons de pubs britanniques commettaient une atteinte aux droits télévisés cédés à la chaîne Sky en utilisant des décodeurs grecs pour obtenir les matchs du championnat à des tarifs avantageux. La Cour a jugé que les accords d’exclusivité territoriale de diffusion étaient contraires au droit de l’Union.

  • Je suis à Rio et j’assiste à des épreuves, puis-je prendre des photos ?

Depuis 2012, le CIO a fortement durci les règles imposées aux spectateurs, aux athlètes et aux journalistes, interdits de photographies. La plupart des grandes compétitions encadrent la prise d’images dans les stades, mais en France, elles ne peuvent pas interdire les photographies.

« La loi est claire, j’ai parfaitement le droit de prendre des photos au cours d’une rencontre sportive si je les garde pour moi. C’est une copie privée. La loi en revanche interdit toute exploitation de la photographie », explique Me Nicolleau. « Par exploitation, il faut entendre non seulement l’utilisation à des fins commerciales, mais aussi la simple diffusion sur les réseaux sociaux. »

Résultat : un amateur de football qui partage une photo prise dans un stade sur Facebook ou Twitter ne risque rien, à condition que son profil ne soit pas public. La valeur informative du cliché fait également figure d’exception à l’interdiction d’exploitation des photographies. Ainsi, les médias peuvent utiliser une photo dès lors qu’ils justifient son lien avec l’actualité.