Le président du conseil de surveillance de Vivendi, Vincent Bolloré, et son président du directoire, Arnaud de Puyfontaine, lors de l’assemblée générale du groupe, le 21 avril à Paris. | ERIC PIERMONT / AFP

L’accord signé entre Mediaset et Vivendi le 8 avril finira-t-il par voir le jour ? Depuis que le groupe de médias français a demandé, le 26 juillet, à revoir les conditions de ce partenariat, les noms d’oiseau ont volé par communiqués interposés. Leurs propriétaires, les familles Bolloré et Berlusconi, voient leur entente de longue date mise à rude épreuve.

Mais si, officiellement, la guerre est déclarée, les discussions se poursuivent en coulisses entre Vincent Bolloré, Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vivendi, et Pier Silvio Berlusconi, vice-président et administrateur délégué de Mediaset.

Casus belli

Au cœur des négociations : les termes d’un nouvel accord. Le français, qui devait accueillir Mediaset dans son capital à 3,5 %, considère que les performances de Mediaset Premium sont en deçà de ses attentes. Le 26 juillet, il a proposé de ne plus reprendre, comme convenu à l’origine, 100 % de la filiale de télévision payante de Mediaset, mais plutôt 20 %. Et de monter à 15 % dans Mediaset, contre 3,5 % initialement. Un casus belli pour l’italien, qui y a vu une volonté de prise de pouvoir.

Vivendi a mis ces derniers jours de l’eau dans son vin, et songerait à limiter sa part dans Mediaset à 7 %

Selon une source française, Vivendi a mis ces derniers jours de l’eau dans son vin. Il songerait à limiter sa part dans Mediaset à 7 %, ce qui l’alignerait sur les droits de vote qu’obtiendra Mediaset dans Vivendi d’ici deux ans grâce au mécanisme des droits de vote double. Dans Mediaset Premium, la multinationale de Vincent Bolloré serait prête à monter au-delà de 20 %, sans pour autant aller jusqu’à 100 % et risquer de devoir assumer toutes les pertes futures de cette filiale.

Chez Mediaset, on assure qu’une offre alternative n’a pas été formalisée. En attendant, le groupe de médias italien se dit prêt à faire un effort : « Le contrat peut être amélioré, mais il ne faut pas en changer totalement la structure », explique une source italienne. Qui constate cependant : « Les points de vue des deux groupes sont aujourd’hui éloignés. »

Contrat ferme déjà signé

Déterminer quelle part Vivendi détiendra dans Mediaset et Mediaset Premium est une question de répartition du pouvoir : accueillir Vivendi à 15 % aurait fait perdre sa minorité de blocage à la famille Berlusconi, premier actionnaire de Mediaset avec 34 %. Mais le débat est aussi financier. Dans l’accord, l’acquisition de Mediaset Premium est valorisée à 630 millions d’euros environ : 880 millions d’euros environ pour les 3,5 % de Vivendi, moins 140 millions d’euros pour les 3,5 % de Mediaset, moins 120 millions d’euros de cash laissés par le cédant pour couvrir les pertes de Mediaset Premium jusqu’à fin 2017. Ce dernier montant était une des conditions attachées au deal – comme l’apurement de la dette de Mediaset Premium ou la sécurisation des droits du football.

Dans les discussions actuelles, Vivendi a peu de marge de manœuvre juridique : il a signé un contrat ferme, sans grande modification possible et ne peut s’appuyer sur la remise en cause du plan d’affaires de Mediaset Premium, qui n’est pas mentionné dans le texte. Vivendi a peut-être péché par excès de confiance. Il a en tout cas attendu la signature du contrat pour faire réaliser par le cabinet Deloitte une étude qui a remis en cause les prévisions dans la télévision payante.

« Malgré les éclats de voix, les deux groupes ont besoin d’un partenaire, tempère une source française. Mediaset doit offrir une perspective à sa filiale déficitaire Mediaset Premium, par exemple grâce à Telecom Italia, l’opérateur dont Vivendi est premier actionnaire. Le groupe de Vincent Bolloré cherche lui un allié pour monter une alternative à Netflix en Europe du Sud. »

Un appel du pied à Sky ?

Au plus fort de la crise, le président du directoire de Vivendi, Arnaud de Puyfontaine, a sous-entendu que son groupe pourrait aller voir ailleurs : « Mediaset n’est pas le seul partenaire pour Vivendi », avait-il lâché dans Les Echos lundi 1er août. N’était-ce pas un appel du pied à Sky, l’empire de Rupert Murdoch, leader de la télévision payante en Italie ? Sky Italia n’est aujourd’hui pas à vendre, rétorque une source française.

Pour Vivendi, l’urgence est donc bien de trouver une issue au conflit avec Mediaset. Car dans l’attente d’un accord, son projet de créer un concurrent à l’américain Netflix dans la vidéo à la demande est au point mort. La plate-forme technique s’appuiera sur celle de Watchever, une filiale allemande récemment fermée, mais il faut encore l’adapter. Vivendi rêve toujours de créer une joint-venture de production de séries mais il n’a pour l’instant pas de partenaire, malgré des contacts avec des studios américains. Et Mediaset doit en principe être le vrai pilier de cette structure. Vincent Bolloré voulait lancer son Netflix latin d’ici à la fin de l’année. Ce délai semble aujourd’hui difficile à tenir.