Toute la détresse de Priscilla Gneto, disqualifiée au premier tour en moins de 52 kg. | JACK GUEZ / AFP

Le coup a été terrible. Pendant une minute qui a paru une éternité, Priscilla Gneto a refusé d’y croire. Elle s’est retournée deux fois vers sa coach, Cathy Fleury. Elle a interpellé les juges qui ont pris la décision fatale de sa disqualification dès le premier tour pour une faute de bras contre la Suissesse Evelyne Tschopp.

Puis, elle s’est effondrée sur le tatami carioca avant de sortir. En larmes, couvée par son entraîneuse très émue, elle est partie loin des regards, évitant les journalistes qui ne peuvent être dans ces situations que trop impudiques. L’ancienne championne olympique de Barcelone Cathy Fleury s’est exprimée brièvement : « Il faut que je regarde les images. Je ne sais pas si sa main touche vraiment la jambe de son adversaire. À chaud, je pense qu’elles sont toutes les deux accrochées, que l’autre la tire et qu’elle n’a pas trop le choix si c’est vraiment le cas ».

Une heure après, l’analyse était plus précise mais laissait poindre une colère contre une règle « appliquée à la lettre ». « Cette décision est juste l’application de mots notés sur une feuille. On applique parce que c’est écrit. C’est plus simple et ça évite d’essayer de comprendre », lâche-t-elle, le regard noir. Du côté de l’athlète, revenue courageusement devant la presse, l’incompréhension et la tristesse dominaient toujours : « Je suis triste d’avoir perdu sans comprendre. J’estime qu’à aucun moment je n’ai fait un geste contraire aux règles du judo. Mon but est de tenir mon bras loin de son pantalon. Je mets mon bras en opposition. Si je n’ai pas le droit, comment je peux faire ? ».

Quoi qu’il en soit, la judokate, médaillée de bronze en titre, ne renouvellera pas son exploit londonien. Et le judo français commence bien mal son tournoi olympique. Du côté de la Fédération française, comme il l’a déclaré à un confrère par téléphone, le président Jean-Luc Rougé ne trouvait lui « pas de scandale » à la décision impitoyable mais réglementaire : « Elle touche deux fois la jambe ».

Priscilla Gneto a selon toute vraisemblance touché la jambe de son adversaire Evelyne Tschopp. | JACK GUEZ / AFP

« De la colère mais pas d’injustice »

Cette règle qui interdit d’attaquer aux jambes ou même de les toucher avec les mains a été édictée en décembre 2012 sous l’influence des Japonais. L’arrivée massive de nombreux combattants d’Europe de l’Est, formés au sambo, mélange de plusieurs arts martiaux, perturbait l’esthétique du judo car ils multipliaient les attaques aux jambes, leur grande spécialité. « Le judo c’est de grandes envolées, de magnifiques mouvements, qui nécessitent du travail. C’est la finalité. Et là, ce point de règlement prend finalement la même valeur qu’un superbe ippon. Ce n’est pas de l’injustice parce que c’est la règle. Mais je suis en colère contre la manière de l’appliquer », explique Cathy Fleury.

Pour Florent Bouteiller, spécialiste judo du Monde et auteur du blog Au Tapis !, la décision n’est également pas une injustice. « Elle se retrouve en position défensive au sol. Elle touche légèrement la jambe de l’autre. C’est dur mais c’est comme ça, analyse-t-il avant d’ajouter, Peut-être qu’une première pénalité shido aurait suffi mais en tout cas hansoku-make infligé directement ne me choque pas ».

La brièveté du combat, arrêté après moins d’une minute, ajoute encore au côté dramatique de la sanction. En 2008, Frédérique Jossinet, vice-championne olympique à Athènes, s’était fait sortir par ippon après seulement 25 secondes de combat par une inconnue, la Kazakhe Kelbet Nurgazina. Rageant mais moins qu’une disqualification aussi prématurée. « L’arbitre principale n’avait rien dit. Ce sont des gens au bord du tapis (les juges), qui ont la décision finale. C’était toute ma vie que de repartir avec une nouvelle médaille. Ils ne se rendent pas compte de tout ce qu’ils peuvent briser », confiait Priscilla Gneto.