Le président Erdogan lors du « rassemblement de la démocratie et des martyrs » organisé à Istanbul, le 7 août, trois semaines après la tentative de putsch dans le pays. | Kayhan Ozer / AP

A Yenikapi, dimanche 7 août, le littoral de la mer de Marmara n’était plus qu’une bande rouge, constituée d’une nuée de drapeaux turcs brandis par les manifestants – plus d’un million – venus participer, à l’appel du président Recep Tayyip Erdogan, au « rassemblement de la démocratie et des martyrs ».

Deux leaders de l’opposition, Kemal Kilicdaroglu, le secrétaire général du Parti républicain du peuple (CHP, kémaliste, social-démocrate) et Devlet Bahceli, le chef du Parti de l’action nationaliste (MHP, ultra nationaliste) s’étaient joints au mouvement. En revanche le parti pro kurde HDP, troisième force au Parlement, n’avait pas été invité.

L’étendard national était partout : roulé sous le bras des voyageurs dans le métro bondé, ceint sur les fronts des fervents patriotes, porté en mode « cape » par les femmes en tchadors noirs, décliné en maillots de corps et en casquettes pour les enfants.

Peine de mort

Organisé trois semaines après la tentative de putsch, le rassemblement était perçu comme le point de départ d’une « nouvelle Turquie », plus unie, plus forte, comme l’a rappelé M. Kilicdaroglu, le chef de file des kémalistes, depuis la scène géante où trônaient, avec une symétrie parfaite, le portrait de Mustafa Kemal dit Atatürk, le fondateur de la République, et celui du président Erdogan.

C’est surtout ce dernier qu’une large partie du public attendait avec une impatience non contenue. Son programme ? Le rétablissement de la peine de mort, si souvent réclamé par les manifestants de l’après tentative de putsch, lors de leurs rassemblements quotidiens en soirée sur les places centrales des grandes villes.

« Si le Parlement accepte de réintroduire la peine de mort, je l’adouberai », a lancé M. Erdogan à l’adresse de la foule qui n’attendait que cela. « Si le peuple le veut, je pense que les partis politiques l’accepteront eux aussi », a-t-il insisté, rappelant que la peine de mort était en vigueur en Turquie avant 1984.

Purges unanimes

lors du « rassemblement de la démocratie et des martyrs » organisé à Istanbul, le 7 août. | Emrah Gurel / AP

Une grande partie des manifestants approuvent ce genre de déclarations. Le châtiment suprême est réclamé pour les putschistes. « Ils ont tué des innocents, ils le méritent », explique Murat – il ne veut pas donner son nom de famille –, un ouvrier de 50 ans venu au rassemblement avec son fils de 15 ans.

Tant qu’à faire, Murat voudrait bien voir le prédicateur religieux Fethullah Gülen, décrit par les autorités comme l’instigateur du soulèvement, puni de la peine de mort lui aussi. « Chacun doit le savoir, le chef de ce groupe terroriste reviendra en Turquie et paiera pour ce qu’il a fait », a clamé le premier ministre Binali Yildirim, répondant aux attentes du public. M. Gülen réside aujourd’hui aux Etats-Unis.

Les purges en cours contre ceux qui sont présentés comme les adeptes de la confrérie güleniste – 18 000 interpellations, 60 000 mises à pied – font l’unanimité parmi la classe politique. « Cette organisation terroriste a prospéré au sein de l’armée et à tous les niveaux de l’Etat », a souligné Kemal Kilicdaroglu, tandis que le chef des ultra-nationalistes, Devlet Bahceli qualifiait la confrérie de « cancer », conformément à la terminologie en vigueur.

Le président Erdogan pour sa part a insisté sur le fait qu’il fallait davantage nettoyer les institutions d’Etat des griffes de la confrérie, laissant entrevoir de nouvelles vagues de purges.

Purges en Turquie : « C’est sans précédent »
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