L’empereur du Japon Akihito le 23 décembre 2015 à Tokyo. | ? Thomas Peter / Reuters / REUTERS

L’empereur va parler. Le 8 août à 15 heures, heure du Japon, l’archipel découvrira le message vidéo de son souverain Akihito. Un moment rare, puisque depuis 1945, les empereurs du Japon ne se seront directement adressés au peuple que trois fois. La première quand Hirohito (1901-1989) a annoncé la reddition nippone à la fin de la deuxième guerre mondiale, le 15 août 1945. La seconde, par Akihito, cinq jours après le séisme, le tsunami et la catastrophe nucléaire du 11 mars 2011.

Cette fois, la question tournera autour de l’avenir du souverain, sur fond de rumeurs autour de sa possible abdication avant 2020 au profit de son fils aîné, Naruhito, 56 ans, évoquée par les médias le 13 juillet. Le premier ministre, Shinzo Abe, doit également s’exprimer le 8 août, en réaction à cette intervention.

« Symbole de l’Etat et de l’unité du peuple »

En tant que « symbole de l’Etat et de l’unité du peuple » selon la Constitution, Akihito a toujours accordé une grande importance aux devoirs liés à sa charge. Mais le 125e empereur du Japon, monté sur le trône en 1989, est aujourd’hui âgé de 82 ans.

S’il semble plutôt en forme, Akihito a souffert d’une grippe cet hiver. En 2012, il a subi un pontage coronarien, un an après avoir été soigné pour une pneumonie. En 2003, il avait été traité pour une tumeur à la prostate. Il a ces dernières années réduit ses activités protocolaires et aurait fait part à son entourage de ses inquiétudes sur sa capacité à continuer.

En décembre 2015, il avait confié avoir commis des erreurs lors de cérémonies et sentir le poids des ans. L’idée de l’abdication aurait été évoquée. Selon les médias locaux, Akihito s’inspirerait de l’exemple du pape Benoît XVI, qui a cédé sa place en 2013 à François, ou de la reine Béatrice des Pays-Bas, qui a abdiqué la même année à l’âge de 75 ans.

La définition du rôle de l’empereur fixée par la Constitution lui interdisant toute activité à caractère politique, elle l’empêche de mentionner explicitement le mot « abdication ». D’après l’agence de la Maison impériale, pendant son intervention du 8 août, le souverain présentera son opinion sur les devoirs de sa charge et ne devrait que suggérer son désir d’abdiquer.

Pour une abdication, Il faudrait modifier l’actuelle législation sur la Maison impériale, adoptée en 1946, qui ne prévoit pas un tel cas de figure. Le législateur avait semble-t-il voulu éviter d’éventuels débats sur l’abdication d’Hirohito, évoquée après la guerre pour son rôle dans le conflit et finalement rejetée.

De même autrefois, quand l’abdication était fréquente (la dernière date de 1817), les empereurs ayant cédé le trône dans le cadre du système appelé « Insei », le « gouvernement retiré », pouvaient créer de l’instabilité politique en se mêlant des affaires en cours. Ce fut le cas lors de la rébellion Hogen entre 1156 et 1159.

Aujourd’hui, pour modifier la loi, l’empereur doit convaincre l’opinion. Ce qui ne devrait pas être difficile pour ce souverain populaire, qui a toujours cultivé une certaine proximité avec le peuple. Selon un sondage réalisé début août par l’agence Kyodo, 90 % des Japonais trouvent les activités d’Akihito trop importantes. Et 85 % approuvent l’idée de modifier la loi pour permettre son abdication.

Or l’idée de changer la loi embarrasserait le gouvernement du très conservateur premier ministre Shinzo Abe, avec lequel Akihito serait en désaccord sur certains points. L’empereur n’hésite pas à exprimer des excuses pour l’attitude du Japon pendant la guerre alors que l’attitude de M. Abe confine plutôt au révisionnisme. De même, le souverain semble attaché à l’actuelle Constitution affirmant le renoncement à la guerre du Japon, que M. Abe rêve de modifier.

Les débats sur la modification de la loi sur la Maison impériale pourraient repousser ceux que le premier ministre, fort de sa victoire du 10 juillet aux sénatoriales, aimerait lancer sur la révision de la Constitution.

Une succession féminine ?

Le camp conservateur craint également une relance des discussions sur la possibilité d’une succession féminine. La question avait été soulevée après la naissance le 1er décembre 2001 de la princesse Aiko, enfant unique du prince héritier, Naruhito, et de son épouse, Masako.

Le frère cadet de Naruhito, le prince Akishino, avait lui aussi des filles. À terme, la question de l’arrivée d’une femme sur le trône aurait donc pu se poser. Le premier ministre Junichiro Koizumi, en poste de 2001 à 2006, avait évoqué une modification de la législation pour permettre aux femmes de monter sur le trône impérial. Il avait même mentionné la question lors de son discours de politique générale en janvier 2006. La naissance, le mois suivant du prince Hisahito, fils d’Akishino et premier garçon à voir le jour dans la famille impériale depuis 41 ans, avait mis fin au débat.

Shinzo Abe, qui a succédé à M. Koizumi pour un premier mandat à la tête du gouvernement en 2006-2007, avait fait savoir qu’il rejetterait toute tentative pour changer la loi. De nouveau au pouvoir, il ne semble pas près de changer d’avis.