Le campus de l’université Baylor, à Waco, au Texas. | Jandy Stone/CC/Flickr

Personne n’a oublié l’émotion provoquée aux Etats-Unis, début juin, par l’affaire Brock Turner. La condamnation pour viol de cet étudiant de l’université de Stanford à six mois de prison, dont trois ferme, alors que le procureur requerrait six ans de réclusion avait déclenché une vague d’indignation. Deux mois après, une autre université se trouve au cœur d’un nouveau scandale en passe de prendre de l’ampleur, comme le révèle la presse américaine.

L’université Baylor de Waco, au Texas, est accusée d’avoir cherché à étouffer plusieurs affaires d’agressions sexuelles impliquant des joueurs de son club de football américain. Le 31 juillet, l’agence Associated Press révélait que les responsables de l’université avaient tenté à plusieurs reprises de faire pression sur les victimes pour les contraindre au silence.

« Huit anciennes étudiantes de Baylor ont lancé des poursuites contre l’université, faisant état d’agressions sexuelles dont la plus ancienne remonte à 2005. Elles affirment que leurs plaintes ont été ignorées ou qu’on a tenté de les dissuader de poursuivre les coupables », écrit l’agence de presse. Or une loi fédérale oblige les universités américaines à enquêter sur les faits de violence et de harcèlement sexuels, même lorsqu’ils ont été commis hors du campus.

Les menaces des responsables de l’université

L’agence AP cite l’avocat de six des victimes. « On a dit à certaines que si elles déposaient un rapport de viol, leurs parents seraient informés de tous les détails concernant l’endroit où elles se trouvaient et ce qu’elles y faisaient. » Les responsables de l’université auraient en outre menacé certaines des victimes de les sanctionner pour non-respect du règlement concernant la consommation d’alcool et les relations sexuelles. L’une d’entre elles s’est ainsi vu infliger vingt-cinq heures de travaux d’intérêt général pour avoir enfreint l’interdiction de consommer de l’alcool.

Baylor est la plus importante université baptiste aux Etats-Unis. Elle passe aussi pour l’une des plus conservatrices. Le « code d’honneur » de l’établissement est des plus réactionnaires : danser sur le campus était interdit jusqu’en 1996 ; jusqu’en 2015, les relations homosexuelles étaient sanctionnées et les relations sexuelles hors mariage y restent proscrites.

En mai dernier, alors qu’un cabinet d’avocats indépendant mandaté par l’université venait de rendre un rapport très sévère pour ses dirigeants, l’éditorialiste Michael Histzik pointait du doigt une autre dimension de l’affaire dans le Los Angeles Times. « L’argent et la gloire que le football apporte à un campus sont des choses terriblement compromettantes. Si les responsables de l’université Baylor étaient vraiment horrifiés”, ils arrêteraient leurs activités dans ce domaine et licencieraient tous ceux qui ont trempé dans ces affaires. Mais ils ne le feront pas, car le foot, c’est de l’argent. »

Pétition dans une université mormone

Depuis, l’entraîneur de l’équipe a été licencié et le président de l’université Baylor a démissionné. Ce dernier était loin d’être un inconnu puisqu’il s’agissait de Kenneth Starr, l’ex-procureur indépendant à l’origine de la procédure d’impeachment déclenchée en 1998 contre Bill Clinton à la suite de l’affaire Monica Lewinsky.

Baylor n’est pas la seule université privée à être confrontée à ce type d’affaire. « Plus de 100 000 étudiants et anciens étudiants de l’université Brigham Young, d’obédience mormone, ont récemment signé une pétition demandant l’immunité pour les victimes d’agressions sexuelles après que plusieurs d’entre elles ont été sanctionnées pour avoir enfreint le couvre-feu ou être entrées dans la chambre d’un étudiant du sexe opposé”, écrit la journaliste Christina Cauterucci sur le site d’information Slate.

« Ce n’est pas pour rien que le titre IX [la loi fédérale] exige des établissements universitaires, en cas d’agression sexuelle, qu’ils prennent des mesures indépendamment des actions entreprises en justice. Une affaire pénale peut prendre des années avant qu’un jugement soit rendu. Même si une condamnation est prononcée, la victime a pu être obligée de passer des années à l’université dans la proximité immédiate de son agresseur, qui peut entre-temps avoir fait d’autres victimes parmi ses condisciples. Voilà pourquoi le moindre obstacle mis par une université au soutien qui doit être apporté à la victime d’une agression sexuelle est une faute morale, commente la journaliste.

A lire aussi sur Courrier Expat :

Universités. Des tests d’anglais obligatoires, pour quoi faire ?

Etats-Unis. Quand les centres-villes renaissent