Des rebelles houthistes, près de la capitale, Sanaa, le 21 juillet. | KHALED ABDULLAH/REUTERS

Cent onze jours de négociations pour rien. Les pourparlers de paix yéménites, entamés le 18 avril au Koweït, se sont achevés samedi 6 août sans accord. Ils auront permis de geler partiellement les combats durant deux à trois mois. Ces derniers, qui avaient repris graduellement depuis la mi-juillet, ont gagné en intensité dès ce week-end sur l’ensemble des fronts.

La guerre a fait 6 400 morts et plus de 2 millions de déplacés depuis mars 2015, date du début de l’intervention saoudienne à la tête d’une coalition arabe, en soutien au gouvernement en exil à Riyad. Elle se poursuit alors que ni la coalition ni les rebelles houthistes alliés aux forces de l’ex-président Ali Abdallah Saleh ne peuvent espérer une victoire militaire : malgré des combats intenses sur certains fronts, ces derniers n’ont quasiment pas bougé depuis un an.

Selon le représentant spécial des Nations unies, Ismaël Ould Cheikh Ahmed, les parties pourraient se retrouver d’ici un mois, pour la quatrième fois depuis juin 2015. Ce pourrait être à Oman. Le gouvernement avait accepté, début août, un accord minimal en quatre points : cessation des hostilités, libération de prisonniers (plusieurs vagues de libérations ont eu lieu depuis avril), mise en place de comités chargés de surveiller l’application du cessez-le-feu, accès à l’aide humanitaire.

Les rebelles, qui tiennent la capitale, Sanaa, et l’essentiel du territoire en dehors du Sud côtier et de l’Est, refusent un plan axé sur les enjeux sécuritaires. Ils veulent un accord global, la mise en place d’un gouvernement de transition avant de rendre les armes. Fin juillet, ils avaient annoncé unilatéralement la formation d’un nouveau gouvernement, geste perçu comme une provocation.

Aucune des parties représentées au Koweït n’a intérêt à la paix : l’ex-président Ali Abdallah Saleh, sous le coup de sanctions des Nations unies et promis à l’exil, ne souhaite plus quitter le pays et exige de parler directement à l’Arabie saoudite, note une source diplomatique. Une partie du gouvernement en exil à Riyad, discrédité par son soutien sans critique à l’intervention saoudienne, ne peut espérer revenir au pays. Il affirme aujourd’hui, contre tout bon sens, pouvoir reprendre Sanaa par la force.

Asphyxier les zones rebelles

Les Nations unies ont peu fait pression sur ces négociations et ont ménagé l’Arabie saoudite, la principale force dans le conflit. En juin, Riyad a ainsi obtenu d’être retiré d’une liste noire de gouvernements ne respectant pas les droits des enfants : le royaume y avait été inclus en annexe d’un rapport de l’ONU, qui jugeait la coalition responsable de la mort de 60 % des 785 enfants tués au Yémen en 2015. Le secrétaire général, Ban Ki-moon, a cependant mis au jour la stratégie d’influence agressive du royaume, affirmant que Riyad avait menacé de réduire sa participation au financement des agences onusiennes.

« L’Arabie saoudite veut pourtant en finir avec cette guerre : elle a reconnu les houthistes comme des “voisins”, qui ont leur place dans un gouvernement de transition », dit une source diplomatique. A condition que ces milices chiites, soutenues par l’Iran, abandonnent une large part de leurs armes et se muent en parti politique. « Mais il semble que Riyad ne sache pas comment s’y prendre. Les Saoudiens ont perdu leur connaissance intime du Yémen. Ils ne sont plus en capacité de peser comme auparavant », craint cette même source.

Dimanche, la coalition a effectué une trentaine de bombardements à travers le pays, selon des habitants. Sanaa, épargnée depuis avril, a vu tomber de premières bombes dans ses faubourgs. A la frontière saoudienne, les combats ont atteint depuis trois semaines une intensité jamais vue depuis l’automne 2015. Les houthistes ont réalisé des incursions sur une bande de terrain montagneux allant de la mer Rouge à la province d’Al-Jouf, d’où ils bombardent des positions militaires et des villages. Ils étaient présents début août dans une dizaine de villages saoudiens, dont les habitants ont fui de nouveau. Les combats ont également repris à Taëz, le front le plus dur, et dans la province de Mareb.

Le gouvernement signale par ailleurs qu’il entend asphyxier un peu plus les zones rebelles, soumises à un blocus de la coalition depuis mars 2015. Il menace de fermer la banque centrale yéménite, qui paie les salaires des fonctionnaires à Sanaa et qui arrive à court de liquidités. Le gouvernement envisage de la recréer à Aden, la grande ville côtière du sud où il est présent, malgré l’insécurité et des attaques régulières de la branche yéménite d’Al-Qaida.