Rapports Pound et Mc Laren, suspension de l’accréditation de laboratoires, exclusions des athlètes russes, résultats d’analyse anormaux d’échantillons prélevés lors des Jeux Olympiques de Pékin et Londres… 2016 restera marquée par l’explosion des scandales de dopage. La crédibilité du sport, en particulier des Jeux Olympiques d’été qui se déroulent à Rio de Janeiro, est en jeu. Jour après jour, scandale après scandale, revient la même question : que faire contre ce fléau qui menace le sport ?

Renforcer la répression ? L’arsenal normatif est déjà particulièrement complet. Aux normes privées (Code mondial antidopage, règlements des fédérations sportives…) s’ajoutent les normes publiques (conventions internationales, législations nationales…). A la suite de l’adoption de la dernière version du Code mondial antidopage, de nouvelles violations des règles antidopage ont été créées, la période de suspension encourue a été augmentée, certains Etats, comme le Kenya ou l’Allemagne, ont adopté une législation pénale…

Pour quel résultat ? On ne peut manifestement pas affirmer que le renforcement de l’arsenal répressif aurait diminué les pratiques de dopage. On pourrait certes se réjouir qu’à peine 2 % des contrôles pratiqués se révèlent positifs. On pourrait interpréter cette donnée en pensant que le dopage est finalement contenu dans des limites « raisonnables ». On serait probablement plus proche de la réalité en considérant que les contrôles et les analyses effectués ne reflètent pas suffisamment les pratiques réelles de dopage. Des scandales révélés récemment ont montré que certaines organisations chargées de la lutte contre le dopage auraient plutôt cherché à cacher des affaires plutôt qu’à sanctionner les fautifs. Le fait que les affaires les plus retentissantes aient été révélées par des enquêtes de journalistes et des lanceurs d’alerte, auxquels on peine à trouver un statut, et non par les organisations chargées de la lutte contre le dopage devrait ouvrir une réflexion sur les rôles et responsabilités de chacun.

La répression est bien sûr nécessaire mais elle est manifestement insuffisante. Chaque affaire souligne que les valeurs du sport peuvent être perçues différemment. Pour certains, seule la victoire compterait, quels que soient les moyens utilisés. Pour d’autres, la compétition ne peut être que loyale. La lutte contre le dopage doit insister sur les valeurs essentielles du sport à travers une politique de prévention et d’éducation. Il convient de rappeler les raisons pour lesquelles nous pratiquons une activité sportive ou celles qui fondent l’engagement de tant de bénévoles.

Des initiatives existent. Certaines visent les sportifs. Des opérations de sensibilisation sont organisées lors de compétitions sportives par exemple. De ce point de vue, le contenu du message a évolué. Il ne s’agit plus simplement de dire non au dopage mais plutôt d’affirmer le droit de tout sportif à un sport propre. Le droit le plus fondamental du sportif est ainsi de lui garantir une compétition équitable. C’est notamment le sens de la campagne « Keep rugby clean » menée par World Rugby, la fédération internationale de rugby.

D’autres initiatives visent l’entourage du sportif (entraîneurs, parents, agents…). Les recherches en sciences sociales ont en effet montré le rôle crucial de l’entourage dans le développement de l’attitude du sportif face au dopage. Lorsque le sportif s’interroge sur le dopage, c’est généralement auprès de son entourage qu’il va chercher des réponses, rarement auprès des organismes chargés de la lutte contre le dopage. Il faut donc s’assurer que l’entourage du sportif saura lui apporter les bons conseils. Des enseignements consacrés à la lutte contre le dopage sont proposés dans les universités pour former les futurs médecins ou managers du sport. L’Agence mondiale antidopage et la Fédération internationale du sport universitaire ont ainsi lancé l’année dernière un programme centré autour d’un manuel universitaire disponible en plusieurs langues sur internet.

Ces initiatives méritent d’être prolongées, renforcées et développées. L’éducation, dès le plus jeune âge, de l’enfant sportif, sur le terrain, comme de l’élève, dans les écoles, doit s’appuyer sur le respect : respect de la règle, respect de l’autre mais aussi respect de soi. Les institutions sportives et les Etats, notamment à travers le système scolaire, doivent collaborer pour diffuser ce message. Il en va de la crédibilité du sport. Ce message n’aura pas que des répercussions sur les aires de jeu. Respecter la règle, respecter l’autre, ce sont aussi des fondements essentiels de la vie en société.